Dimanche 9 juin 2019. Vic-Fezensac
6 toros de Dolores Aguirre Ybarra pour Gomez del Pilar, Javier Jimenez et Miguel Angel Pacheco
Fais la plus pauvre. Antoine d’Agata le dit souvent à ses élèves.
Fais la plus pauvre… Epurer… Encore épurer. Epurer jusqu’à la pauvreté. Mais ne pas tomber dans l’esthétisme. Là est la difficulté. Mais la pauvreté comme un aboutissement. La pauvreté de Shellac ou de Sali.
Ca marche aussi pour le toreo à la réflexion. Celui de José Tomás, à la grande époque, était pauvre lui aussi. La pauvreté comme une qualité, comme l’affirmation d’une expression artistique. Les snobs lui préféraient Enrique Ponce. Les snobs n’aiment pas la pauvreté, ni en art, ni à nulle part.
Et pourquoi j’écris ça moi ? Après soixante quinze centilitres de domaine des Tours, millésime 2014, qui n’avait rien de pauvre faut bien l’avouer, bourguignon et qui pinote en diable comme aurait dit l’autre, je dois me rendre à Larrieu.
Larrieu me presse pour écrire dix lignes sur la corrida d’Aguirre de Vic-Fezensac millésime 2019. Me voilà bien. Je n’avais pas mis les pieds à Vic depuis ‘Cantinillo’ et je n’ai pas pris de notes.
Vic 2019, an cinq après ‘Cantinillo’. Aujourd’hui pour traverser la place du village de Vic il faut payer 10 euros. Juste pour traverser. Pas pour boire un verre non. Pas même un Tariquet ou une bière industrielle. Juste pour traverser : dix euros. Au bout de 6 traversées, t’as payé le prix d’un menu Feria chez Pierre Gagnaire. Bon… sans le vin. Pas franchement un truc de pauvre le menu de chez Gagnaire mais les échos sont assez dithyrambiques.
10 euros pour traverser la place du village. Faut oser quand même. Même à Nîmes ils ne m’ont jamais fait ça. Pourtant ils sont gratinés à Nîmes.
Aux arènes, deux connasses, et trois connards protestent les toros qui se freinent et bloquent dans les capes. Une nouveauté pour moi, l’an cinq après ‘Cantinillo’. Je sais, deux connasses et trois connards ça ne fait rien, même pas une minorité minoritaire mais ça s’entend et mon voisin qui leur demande la monnaie de leur bêtise est prié de bien vouloir se taire. Faut le vivre.
Dix lignes sur les Aguirre de Vic. Me voilà bien, sans notes, sans rien. Et absolument aucun rapport avec une quelconque pauvreté esthétique. Sauf peut-être sur le chemin du retour pour les Victorinos de demain, à photographier les aires désertes, vides, pauvres, et se refaire le film des Aguirre, avec Fontaine DC à fond les ballons. Au milieu de tout ça le souvenir d’une paire phénoménale d’un banderillero dont vous trouverez le nom ailleurs dans les chroniques exhaustives et pointilleuses.
Les Aguirre alors. Une première partie assez ennuyeuse. De ces Aguirre nobles, ou presque nobles, sans réel danger, mais qui ne se livrent pas vraiment. Ca ronronne, et limite ça s’assoupit. Certains s’étonnent qu’un Dolores puisse être manso. Autant s’étonner de trouver de l’eau à la mer.
Et puis sort le quatrième. Un pavo, un toraco, une cathédrale. Tout en contradictions, distrait d’un ruedo trop petit pour cette immense carcasse qui regarde les toreros, le cheval, les toreros, le cheval, hésite, se déplace, se replace, regarde, distrait, les toreros, le cheval, pour finir enfin dans le caparaçon tête baissée, basse, toujours très basse ; pousser, de toutes ses forces, comme un âne, comme un grand brave qu’il n’était pas vraiment, tête encore et toujours basse, pousser, arc-bouté. Une contradiction.
A partir de ce toro la course change. Face à lui il aurait fallu … Un Lamelas disposé au sacrifice… un Fundi de la maturité… Un Esplá même pas en rêve, ou quelque chose d’autre qui relève du miracle, de la chance, de l’alignement des astres, de la magie, et de tout ça à la fois.
Face à lui il n’y eut qu’un Gomez del Pilar dont la pauvreté du bagage technique n’est qu’une conséquence et non une recherche et auquel on ne pourra pas reprocher grand-chose au regard des circonstances. Avis partagés à l’arrastre. J’ai applaudi avec quelques autres.
Le cinquième, le moins beau, avait un jeu de cornes qui aurait pu lui permettre de jouer dans Kill Bill.
Le sixième est dans la veine du quatrième mais plus noble sans doute et au lieu d’un Gomez del Pilar étouffé il trouvera un Miguel Angel Pacheco décidé à se montrer, à le montrer, à se la jouer pour une conclusion disons heureuse.
21h30, deux bons kilomètres avant la voiture, direction Nîmes, les aires d’autoroutes désertes, Fontaine DC à fond les ballons, et demain les Victorinos.
NDLR : Les coquilles attendront que Larrieu repasse.