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Deux jours à Bilbao

Deux jours à BApartadoilbao : une corrida d’Alcurrucen pour Morante, Urdiales et Roca Rey, et un lot de Victorino Martin pour les deux monstres de la corrida de Séville 2016 face au même élevage : Escribano et Paco Ureña. Deux gorgées taurines intenses sur le papier, le choix facile à la lecture des cartels. L’année est sanglante et août ne fait pas exception : Roca Rey a payé à Malaga le prix d’une exposition permanente aux cornes tout au long de la temporada : cogida et évanouissement, au point qu’il s’évanouit depuis des corridas aux affiches desquelles son nom était imprimé. La rumeur qui parcourt les tertulias nocturnes devant des génocides crustacés fait même état d’un jeune péruvien ne reconnaissant pas ses parents au réveil. Alternativé de neuf pour Pentecôte dans l’usine Nîmoise, Gines Marin, quelques brins d’herbe à peine de plus qu’Andrés a triomphé dans le nord : Santander et Vitoria et entra au cartel.

Cartel plutôt luxueux malgré la défection péruvienne avec la légende de la Puebla et son petit cirque ambulant incluant un chapiteau en forme d’arène au dessin de portique gonflable et jeune fille au sourire immaculé, regard azur, blondeur travaillée, trapio plastifié par endroits, endimanchée en andalouse servant le fino au bout d’une souple perche noire qu’on jurerait cravache d’un ample geste, spectaculaire mais torerissime. Luxueux toujours avec la présence du voisin Urdiales, triomphateur l’an dernier face au même élevage. Luxueux comme toujours, le prix des places en Biscaye et deux tiers d’arènes seulement, dont on n’ose imaginer ce qu’il resterait si la France fermait sa frontière. Logé en merveilleuse compagnie au dernier rang du poulailler des arènes de la « vue joyeuse » j’eus une vision assez inhabituelle pour moi de la corrida et veux volontiers admettre que l’éloignement nuisit à la transmission de l’œuvre du maestro de la Rioja au deuxième toro. Barrera ou galeria, il convient de signaler que le troisième Toro était annoncé comme né en décembre 2012 et donc âgé de seulement 3 ans et 8 mois.Morante fit le cirque en piste et mit le bazar. Premier toro – Carafeo – ouvrant la bouche au début du 3ème tiers avec des signes de mansedumbre qui signèrent son arrêt de mort rapidement et second, Diplomatico, nul au point que la liquidation se fit sans fioritures mais non sans une terrible bronca.

Gines Marin prit son tour de quite au 2 puis se cogna au 3 un animal non seulement avisé en dépit de son jeune âge mais fils à papa qui plus est (Heredero, l’héritier…) qui n’avait par conséquent pas envie de se bouger les fesses : aucune charge. Face au 6, Muslero, le torero de Jerez démontra son aguante et ses bonnes manières en justifiant son engagement de dernière minute par une démonstration de courage gratuite puisque le toro n’était pas de ceux dont on coupe les oreilles. À revoir. Urdiales toucha avec le numéro 70, Atrevido un splendide Nuñez, berrendo en colorado de 540 kilos né en octobre 2011, une estampe originale et un toro de triomphe. D’en haut je notai : « pas grand chose à la pique, toro sans grande charge, Urdiales très torero, bien à gauche et à droite, détails précieux, entière foudroyante ». Si mes souvenirs sont bons, Diego mit du temps à voir la corne gauche mais étudia longtemps le toro avec l’élégance qui le caractérise. Atrevido ne permettait guère la liaison, qui semble toujours coûter à son matador qui, une fois les qualités constatées, donna une grande série à gauche et un retour au tablas par mépris et trincheras laissant sur la rétine l’impression d’une succession d’affiches collées les unes sur les autres aux murs d’une arène de temporada. Vu d’en haut (nous sommes disciplinés) : « là, il coupe » mais surprise (euphémisme) de voir Matias sortir deux mouchoirs blancs d’un coup et de balancer le bleu dans la foulée… L’ensemble m’avait semblé manquer de chispa de la part des deux combattants. À la sortie et les jours suivants, les habitués de Bilbao (dont je ne fais pas partie) tempéraient mon étonnement en disant qu’ils l’avaient trouvé mieux que l’année précédente et qu’il fallait niveler par les oreilles octroyées en début de feria. Soit…

Année sanglante toujours, Escribano n’est toujours pas remis du terrible coup de corne infligé en juin à Alicante et laisse sa place le lendemain à Curro Diaz, la quarantaine altière, bistre et gomina, qui effectuait à cette occasion sa présentation sur le sable marronnasse (il n’est plus gris, passez votre chemin) des arènes de la rue Machin. Diaz et Ureña dédièrent le combat de leur premier opposant au torero de Gerena présent dans le callejon. À l’heure de savoir quelle première impression laissa le torero aux arènes de Vista Alegre, le candidat devra articuler sa problématique et son argumentation autour de la durée qu’on accorde à une « première impression » – demandez-vous belle jeunesse le temps de l’ombre d’un souvenir, le temps du souffle d’un soupir. La corrida fut naturellement ouverte par le portier (Portero – 04/12 – 541 kg) et Curro Diaz qui entama la faena par des doblones sérieux et une première série à gauche magnifique offrant notamment deux passes au souvenir d’une moitié d’arène éreintée de chaleur. Cela commençait bien. La deuxième série à gauche eut moins d’impact, la troisième poursuivit la tendance, on notait petit à petit que la main tenait le palo à gauche par le bout et qu’entre le torero et l’Albaserrada l’espace suffisait amplement pour inviter un autre toro. Les séries devinrent quelques détails, le toro s’avérait distrait malgré les tracés longs et curvilignes, un rapide passage à droite acheva de confirmer la tendance a menos du travail et tout cela s’acheva par une entière tombée. Paco Ureña démontra qu’il était venu pour le triomphe face à Petrolero qui n’avait ni carburant ni idée et par conséquent aucune transmission (pas plus que de trapio d’ailleurs). Le grand torero au visage lunaire eut beau faire bien les véroniques serrées, la mise en suerte par Chicuelinas marchées, les séries de droite et gauche à un toro chargeant au pas et le tuer d’une entière, il n’y avait rien de spécial à en tirer. Dès lors, la crainte d’une corrida assommante de chaleur et d’ennui (les thermomètres des panneaux d’affichage débattaient à l’heure d’aller aux arènes de la température ambiante : ceux de l’ombre annonçaient 39, leurs opposants du soleil affirmaient 42, chiffre maudit) commença à se confirmer. Le lot de Victorino (de 530 à 573 kilos) affichait dans l’ensemble peu de trapio (le plus lourd, le 6, et le plus léger, le 4, me parurent les plus en type et présentables de l’ensemble), très peu de qualités, des forces limitées et même pas vraiment de méchanceté. Curro Diaz continua à toréer despegado, fit illusion quelques temps au 5 au point de faire retentir « Martin Agüero » au troisième tiers mais abrégea au goût du public qui lui en tint rigueur au point d’ovationner le toro à l’arrastre pour mieux faire comprendre au torero qu’il s’en allait « Sin torear« . La tournure de la corrida sembla tomber sur les épaules de Paco Ureña qui apparut assez vite résigné devant deux adversaires rivalisant de médiocrité. L’abattement régnait parmi les présents à la sortie, notamment ceux qui avaient fait l’aller-retour pour l’occasion.

Epilogue : Nous étions quelques coutumiers du fait à partir vendredi avant la corrida laissant entrevoir aux plus sédentaires que l’envol d’une escadrille entière de chats noirs permettrait à la feria de décoller enfin. À l’apartado de la corrida de Torrestrella, les rumeurs bruissaient que Lopez Simon avait mis son veto à la présence de Javier Jimenez (Puerta Grande cet été à Madrid) en remplacement de Roca Rey au cartel qui devint mano a mano. Bronca au paséo et crise d’angoisse pour le torero de Barajas à son deuxième toro qui laissa à Garrido le soin de tuer quatre toros. La Junta communiqua par la suite que Lopez Simon avait demandé à ce que le cartel soit ouvert à un plus ancien que lui-même à l’occasion de ce remplacement, chacun en déduira ce qu’il veut. Au final, le jeune torero d’Extremadure sembla donner une démonstration (d’après ce que les écrans laissent entrevoir) au 5eme toro retors et dangereux, mais toréé et dominé, confirmant cette bonne impression dès le samedi en coupant deux oreilles au sobrero de Fuente Ymbro et sortant en triomphe.

Bilbao, égale à elle-même, la chaleur exceptée : une feria qui semble intéresser de moins en moins de locaux, une organisation qui semble vieillir et blanchir toujours plus, du sable marron, des piques montées à l’envers, des premiers tiers assassins et dégueulasses dans l’indifférence générale, des débats sur le toro de Bilbao, des habitués fatigués qui vous expliquent comme chaque année que tout cela est bel et bien fini, etc…

  1. Jean Claude Répondre
    Tout à fait d'accord!!! moi c'était 3 jours à Bilbao! Je ne connaissais pas.......y aller, c'était un pèlerinage....aller dans une plaza de notoriété redoutable....sa présidence, etc... Et voilà, rien...heureusement que Juan Carlos était là pour les Garcigrande...et pour les 2 jours suivants tout est dit. A ceci prêt que j'ai trouvé le public de Bilbao très peu torriste, pour ne pas dire torreriste.....sentiment que les Espagnols venaient là comme les ricains vont voir les Dodgers!! L'Aveyronnais que je suis, a eut bien plus de plaisirs, à croiser différentes races cornues, autour du Mont Mézenc, la semaine suivante....Aubrac, Salers, Charolaise....et autres Limousines!!!! Merci pour tout!!!

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