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Mudo, numéro 14


Un toro. Nous avons vu un toro. C’est une nouvelle, une information, un évènement. Un novillo toro mais un toro. Un toro qui demande les papiers, qui exige une lidia, une présidence, et un matador. Il n’y eut rien de tout cela mais nous l’avons vu tout de même. Un toro pour l’afición, ou ce qu’il en reste. Un toro pour se souvenir de ce que doit être un tercio de piques, de ce que sont la caste et la bravoure. Ce toro est sorti à Arles le dimanche 1er avril 2018. Il portait le numéro 14, était né en février 2015, s’appelait ‘Mudo’ et portait le fer de Callet, Domaine de Malaga, origine Murube.
La novillada matinale d’élevages français cheminait, cahin-caha, de novillos médiocres en novillos médiocres, semi piqués puis inutiles. Je veux dire très vite éteints après si peu au cheval. Seul le soleil printanier et les retrouvailles avec les copains nous rendaient la chose agréable.
Nous étions venus notamment pour revoir El Rafi après son étonnante démonstration l’an passé à Boujan face à une sans picadors terrible de Dolores Aguirre. Mais ici, devant rien…

Et puis jaillit du toril un animal sérieux, imposant, au poil lustré. Dès les premières charges l’envie d’en découdre s’affiche. Une présence en piste. Sensation immédiate, attention enfin en éveil.

Première pique. Dans l’épaule. Terrible. Un assassinat. Jack l’éventreur. Le Callet pousse, de toutes ses forces, longtemps, rageur. Le corps arc-bouté, les pattes solidement ancrées dans le sable, la tête fixe, collée au caparaçon, il promène le cheval. Le public proteste l’emplacement de ce fer qui sera forcément destructeur. Le picador finit par rectifier, après des secondes qui semblent une éternité.
Il ne le détruira pas. ‘Mudo’ continue à pousser. Infatigable, entêté. Il finit par sortir sans montrer le moindre signe de faiblesse. La pique dans l’épaule n’a rien pu contre lui. C’est étonnant. J’ai remarqué que souvent les piques, même supposées irrémédiablement destructrices, ne peuvent rien face à la caste et la vraie bravoure.
‘Mudo’ s’éloigne de quelques mètres et recharge, puissant. Il vient de recevoir, facilement, l’équivalent de trois grosses piques.

Deuxième pique. ‘Mudo’ s’élance d’une dizaine de mètres, sans la moindre hésitation. Il confirme son époustouflante première rencontre.
Las… Le crétin du palco, sans visiblement une once de réflexion, dans un réflexe pavlovien et moderniste, sonne le changement, mécaniquement, avant même la fin de la rencontre, sans même attendre.

Le picador fait face au toro, arrêté à une bonne dizaine de mètres. Les cuadrillas se regardent. Adoureño reste immobile entre les deux, comme pétrifié. On sent qu’ils veulent l’envoyer malgré tout, une troisième fois. Leur hésitation est palpable. Du haut des gradins nous croisons les doigts pour qu’ils osent braver la loi, l’inconsistance, l’irresponsabilité présidentielle et nous offrent cette troisième rencontre. Ils n’oseront pas. Nous les aurions applaudis.
Le troisième tercio confirme la caste et la puissance du Callet. Oui, un toro c’est puissant. C’est l’essence même d’un toro que d’être puissant et de supporter les piques nécessaires à la démonstration de sa bravoure. Adoureño ne pourra rien. Il sera dépassé immédiatement, incapable, averti sans frais. Impuissance totale, bronca pas méchante sur les étagères mais bronca.
Je me garderai bien de jugements trop péremptoires. Il y avait beaucoup de toro, beaucoup de caste et pas assez de métier. C’est un combattant aguerri qu’il aurait fallu et le novillero à ce stade ne l’est pas. On pourra tout de même lui reprocher d’avoir bien vite plié bagages et ne pas avoir au moins tenté des passes réductrices, par le bas.
Les grands toros restent souvent inédits, faute de combattants. Tous les ‘Bastonito’ ne croisent pas leur Rincón.
Nous avons tout de même pu profiter et entrevoir la grandeur de ce ‘Mudo’. « Mais quel gaspillage ! » s’est écrié un type des gradins d’en bas.
Le président crut devoir compenser sa première bêtise par une autre en gratifiant ‘Mudo’ d’une vuelta malgré un combat limité à deux rencontres. Zéro plus zéro ça fait peut-être la tête à Toto mais ça ne fait pas un palco.
Restera le souvenir de ‘Mudo’, numéro 14 de l’élevage Callet.

Photographie Claire Florenzano.

NDLR – Un lecteur nous signale que les toros du Domaine de Malaga sont d’origine Domingo Hernandez depuis quelques années et  ont remplacé les Murube des débuts.

  1. Benoît Répondre
    Les toros du Domaine de Malaga sont d origine Domingo Hernandez depuis quelques années et sont venu remplacer les murubes de l époque.

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