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Vive les mansos !

Il y a quelques années, un chroniqueur de la revue Toros avait osé ce titre : Vive les mansos !
Le propos n’était pas de se réjouir de la mansedumbre en la considérant comme une des qualités d’un toro de combat ou l’imposer comme norme. Le propos était de se réjouir de la lidia que nécessitent de tels animaux, de cette source de diversité et d’émotion, de l’intérêt qu’ils apportent.
A cette époque, en France, l’élevage du curé de Valverde était régulièrement dénigré par le taurinisme pour trop de couardise. Ils grattaient faut dire. Apprécier Valverde c’était se mettre en marge.
Pierre Dupuy, toujours dans la revue Toros, lorsqu’il commenta l’inoubliable mansada de Dolores Aguirre combattue à Céret pour la Saint Férreol de 1995 se réjouit d’un bol d’air frais venu du Canigou.
Je garde encore en mémoire et avec émotion le souvenir de la lidia, à Beziers, en 1988 par Luis Francisco Esplá d’un manso de catégorie marqué au fer Doña Antonia Julia de Marca. Inaltérable.

Des mansos il en sort de moins en moins. Les toros ennuient de plus en plus, même s’ils ne tombent quasiment plus et sont de moins en moins mansos.

Le 14 mai 2018, à Madrid, est sorti au pas et plein de craintes, un manso de livres, un toro de l’élevage de Las Ramblas qui, dit-on, n’a pas pris la moindre passe de cape.
El País le relate ainsi : El suceso acaeció en el cuarto de la tarde. Ordenada la salida del toro, el animal tardó un mundo en asomar los pitones, y lo hizo con preocupante parsimonia y evidente desgana. Anduvo unos pasos, oteó el horizonte, olisqueó la arena y alzó la cabeza cuando avistó a un humano vestido raro —el subalterno Ángel Otero— que se acercaba a sus lindes. Lo miró con desconfianza y, cuando el torero movió el capote para llamar su atención, el toro pegó un respingo que no se murió del susto de milagro. Acobardado, huyó primero hacia la puerta de toriles, ignoró las llamadas de los toreros y mostró un miedo impropio de un toro bravo.

Le Président, un certain Jesús Maria Gómez Martín décocha son mouchoir vert et renvoya le couard d’où il venait. Incroyable.

Il n’est pas interdit de supposer ainsi que je l’ai lu sur un blog que Jesús Maria Gómez Martín est le premier Président de l’histoire taurine de Madrid à avoir renvoyé un toro aux corrals pour mansedumbre. Si la chose est vérifiée, Jesús Maria Gómez Martín est entré dans l’histoire de la tauromachie, le 14 mai 2018.

Dans le genre d’errements présidentiels qui ont laissé des traces dans l’histoire madrilène nous pouvons évoquer la queue coupée par Palomo Linares en 1972 au toro «Cigarrón» d’Atanasio Fernandez (Tiens ça n’existe plus Atanasio…) ce qui valut au Président Panga d’être démissionné le soir même.

Il n’est pas déraisonnable de considérer que la boulette de Jesús Maria Gómez Martín est bien plus grave que le trophée octroyé par Panga. Mais Jesús ne sera probablement pas destitué.
On se gratte la tête et on se dit que le palco de Madrid est vraiment dans un sale état. Et ne parlons pas du public, qui l’avant veille jeta sur la piste quelques coussins pour une oreille injustement refusée mais ne semble pas avoir trop réagit à ce hold-up, ce vol caractérisé de la lidia d’un manso.

Il y a un vingtaine d’années, toujours à Madrid, le Maestro Esplá eut à affronter un toro faible, très faible. Le public protesta. Brouhaha. Palmas de tango. Même l’ombre s’y mit. Le président impassible refusa de renvoyer l’invalide. Pas le moindre mouchoir vert à l’horizon et changement de tercio. La bronca s’amplifie.
Le maestro Esplá qui en a vu d’autres prend les banderilles. Il sera bruyamment prié de ne point s’exécuter et laisser faire la cuadrilla. On le sent agacé. Changement de tercio et toujours la pagaille sur les gradins. Montera sur la tête, l’Alicantin d’un calme olympien, en quatre ou cinq passes par le bas cadre le toro, se profile et enfonce une épée entière. Le petit vieux devant moi évoque Juan Belmonte. Les arènes exultent et c’est une tempête ironique de mouchoirs blancs qui demande une oreille que le président n’accordera pas. Bronca terrible. Plus de vingt milles personnes scandent et hurlent «fuera del palco !». Doña María de las Mercedes, mère du Roi, se lève et quitte la loge royale qui se vide derrière elle. C’était Madrid.

Notre ami Jesús Mª Gómez Martín pourrait récidiver avec un indulto. Ça lui fera coup double, un beau palmarès, c’est dans l’air du temps, et il n’y aura sans doute plus grand monde pour hurler «fuera del palco». Vive les mansos !

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