Xavier Barral vient de disparaitre, brutalement. Il fut un extraodinaire éditeur de livres de photographie. Nos bibliothèques lui doivent beaucoup : Joseph Koudelka, Sergio Larrain, Sophie Calle, Antoine d’Agata, Masahisa Fukase, Jane Evelyn Atwwod et tant d’autres.
Notre éditeur à nous, Bruno Doan, l’avait rencontré en Italie. Deux amoureux des livres, des encres et des papiers. Il lui rend ici hommage. La capture d’écran qui illustre ce post provient de la lettre adressée en hommage par les Rencontres d’Arles. L’auteur de la photographie est Patrick Gries.
L’éditeur Xavier Barral, grand bonhomme, immense et formidable éditeur, est décédé.
Je l’avais rencontré à Vérone en Italie lorsque je suivais l’impression du Bernadette Lafont.
J’étais arrivé à l’imprimerie en piteux état après le décès de Bernadette, tout était devenu très compliqué. Je ne dormais plus tellement depuis 2 mois. Là, entre les aller-retour sur machine, les contrôles des fichiers dans un immense bureau collectif avec des éditeurs de Bruxelles, Londres, etc. chacun devant son ordinateur, j’étais un peu paumé, pour tout dire, comme isolé et secoué sur un océan barriolé d’encres mêlant images et textes, plus du tout sûr de mon travail éditorial…
Francesca la commerciale nous avait présenté. J’étais resté quasiment muet, enregistrant à peine qui il était, préoccupé par le rendu d’une photo pleine page de Bernadette dans un film de Mocky, un fichier mal en point que j’avais retouché avec plus ou moins de succès, me semblait-il, pétrifié devant les premières feuilles que débitait la machine. Plus tard, il était venu s’asseoir à mes côtés, il avait vu les tirages sur machine du Bernadette. « Un gars comme toi ça mange le midi ?»
Il m’avait emmené déjeuner dans une toute petite Fiat cabossée prêtée par l’imprimeur, dans une petite auberge campagnarde. Fin de service, on étaient seuls, un vigneron qui remballait ses bouteilles était resté pour nous faire déguster ses vins et le chef nous avait cuisiné ce qu’il avait bien voulu. Et nous avons parlé, parlé, parlé… De nos métiers, de son parcours, de son travail avec les photographes. Il m’a beaucoup questionné…
Nous avions beaucoup de points communs dans la façon d’appréhender le travail de graphiste et d’éditeur. Lui faisait des essais d’impression pour deux livres photos en essayant des encres différentes, des qualités de noir plus ou moins froides etc. etc. Un travail d’orfèvre.
Je partageais absolument ses points de vue, et je le sentais mener son travail avec panache et détermination. Le plaisir du travail bien fait, d’exploration, du partage avec les auteurs, du goût du texte aussi, du contenu et de la lettre, de la typographie.
Je lui ai raconté mes «petites» aventures éditoriales, In Vino, la page taurine, mes bouquins, etc. Nous avons parlé de nos plaisirs respectifs de gens de papierui ; lui de ses diverses expériences chez les «grands éditeurs» (moi des miennes) pour en arriver à la décision de créer sa propre maison.
Quelle force et quelle simplicité ! Nous avons plaisanté avec les gens du resto (le cuistot l’appréciait), un petit havre de paix magnifique.
J’étais reboosté pour finir mon boulot chez l’imprimeur. En tout cas il m’avait «ramassé à la petite cuillère».
Il m’a offert son bouquin avec les photos de Mars et m’a invité à venir le voir à Paris.
Le soir j’étais parti tard, il restait quelques lumières allumées dans le noir de la nuit (toujours mon océan mais cette fois d’encre noire) dans laquelle se fondaient les bâtiments, dans une des fenêtres la silhouette de Xavier Barral (qui fut navigateur tout un temps) comparant des grandes feuilles de papier, les annotant, dans un bureau, et ça n’avait pas l’air de lui peser.
Ciao monsieur Xavier Barral.
Bruno Doan.
On peut voir et écouter un portrait récent de 7 minutes à Arles ici https://vimeo.com/198372936 Ici le site de sa maison d’édition http://exb.fr/fr/ avec des tas de livres comme autant de voyages.. Jane Evelyn Atwwod, Koudelka, Sergio Larrain, Sophie Calle, Buren, Depardon, Pascal Cribier, Martine Franck, pour les noms très connus et tant d’artistes encore.