En cette période de confinement imposé par la pandémie de Covid-19, les initiatives culturelles se multiplient ici ou là pour offrir aux reclus une évasion salutaire que leur interdisent les normes sanitaires, gestes barrières et autre « distanciation sociale », nouvelle expression en vogue dans les rédactions de l’information en continue au coeur desquelles la vulgarité le dispute à la médiocrité. Le « monde d’après » que certains appellent de leurs voeux ne sera pas et comme l’écrit Michel Houellebecq dans une récente tribune, « nous ne nous réveillerons pas, après le confinement dans un nouveau monde : ce sera le même, en un peu pire ». Pire pour de nombreuses raisons (mais notre ligne de conduite a toujours été de ne pas faire de politique sur ce blog), et en ce qui concerne notre passion parce que les dégâts vont être immenses dans les élevages de toros, entre autres, mais surtout. Certains disparaîtront dans les couloirs ténébreux des mataderos.
Alors la saison taurine sera blanche ou noire, chacun choisira la teinte mais personne ne verra combattre un toro cette année. Pour reprendre et détourner l’atroce vocifération qui punit chaque année nos oreilles dans le Sud-Ouest depuis des décennies maintenant, « nous n’irons pas de Pampelune jusqu’à Bayonne, de Dax jusqu’à Mont de Marsan… » et les arènes demeureront muettes, seulement nourries de feuilles mortes et de désillusion.
À Pampelune justement, les archives de la mairie ont mis à disposition en ligne leur photothèque évidemment remarquablement fournie en photographies d’encierros. Récemment, c’est le fonds Zubieta y Retegui qui a été ajouté, offrant aux inconditionnels sanfermineros l’occasion de se replonger — ou de découvrir — dans l’atmosphère sublime et inquiétante de ces lâchers de taureaux dans les entrailles de la cité navarraise. C’est taurin, c’est de l’histoire, c’est la Pamplona éternelle qu’on fantasme onze mois durant et qu’on boit jusqu’à la lie neuf pauvres jours qu’on fait ressembler à l’éternité.
Viva San Fermín !
Photographie : Javier Retegui, Salida de la manada del recorrido del encierro. Negativo, acetato de celulosa; rollo de 35 mm; tonalidad monocroma