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‘Trastero’

Les arènes se libèrent dans un tonnerre d’applaudissements. ‘Trastero’ vient de se coucher près des planches. Rafaelillo cabriole déjà vers le centre de la piste tel un avant-centre venant de planter son but en finale du Mondial de foot. Deux oreilles et l’ovation qui continue, mouchoir bleu et tour de piste posthume pour le grand ‘Trastero’, toro brave des fils de D. Celestino Cuadri Vides. Depuis le callejón, je regarde le tendido où j’aurais dû être assis et je cherche les copains. Je plisse mes yeux de taupe pour mieux voir, et puis, finalement, je monte l’appareil photo, je zoome à fond et balaie les gradins jusqu’à tomber sur Vicente, Javi et Chime, debout, qui applaudissent à s’en rompre les mains. Je fais la photo pour la postérité. Je la ressortirai le jour voulu à Javi, fervent défenseur du mono-encaste et de son porte-étendard, Juan Pedro. Petit vengeance facile entre amis qui aiment se taquiner et se tirer la bourre.

Je ne trouve pas Félix près des autres. C’est curieux quand même. Il n’aurait pas vu le combat de ‘Trastero’ ? Il n’aurait pas savouré la bravoure qui secoua par deux fois le cheval et l’aplatit contre le burladero ? Il n’aurait pas apprécié cette charge lourde, franche et humiliée dans la muleta de Rafaelillo ? Il n’aurait pas ovationné D. Fernando Cuadri, découvert parmi les spectateurs et forcé à saluer le public comblé de bonheur ? Lui, Félix, l’amoureux des toros forts, durs et braves. Je peine à le croire, et puis j’oublie pendant que la dépouille de ‘Trastero’ quitte lentement la piste.

À la sortie des arènes, je retrouve Félix, qui raconte. Il a tout vu du combat et de la mort de ‘Trastero’, mais il est parti en courant vers le patio de caballos. Il a attendu que passe ‘Trastero’ devant lui avant de tenter de franchir la grille pour accéder à l’abattoir. On l’en a empêché. Il a attendu un instant, un moment d’inattention du personnel, et s’est faufilé, bien décidé à négocier avec le boucher. Il lui a demandé la tête de ‘Trastero’, sorte de trophée de chasse qu’il n’aurait pas tué lui-même. Il avait tenté le coup lors des Fallas avec un Victoriano del Río de deux oreilles, mais il était arrivé trop tard. La tête, coupée au ras, rendait impossible la naturalisation. Déception. Cette fois, Félix est arrivé à temps ; malheureusement, le matador a usé de son droit préférentiel et le trophée du brave Cuadri partira vers Murcie. Nouvelle déception. Il lui faudra attendre, encore, une autre corrida avec un toro important pour enfin décorer son salon.

Il m’a avoué que ce toro l’avait ému et qu’il n’avait pas quitté l’abattoir sans avoir pu toucher la tête de ‘Trastero’, les larmes aux yeux.

  1. champ11250 Répondre
    Dommage, nous n'y étions pas... Manque juste une image de Trastero, dédicace à sa grandeur... suerte a todos !

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