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Querer es poder

Mon voisin écrase son deuxième joint dans le sable qui recouvre l’embarcadère du port de Dénia alors que la première vache de Benavent n’est toujours pas sortie. Accroché à son barreau des arènes portatives comme la moule à son bouchot, on devine son angoisse soudaine. Où va-t-il bien pouvoir ranger son sachet de « beuh » ? La probabilité de terminer dans l’eau est élevée lors des bous a la mar de Dénia. Ce détail n’a pas échappé à notre voisin polytechnicien, qui est venu préparé en conséquences : torse nu, tongs et short de bain. Code vestimentaire habituel dans cette station balnéaire de la côte alicantine.

Tatouée sur le torse de notre fumeur hagard, la maxime « querer es poder » (vouloir c’est pouvoir), certainement sortie d’un traité de philosophie qui a marqué son adolescence. D’omoplate à omoplate, on ne déchiffre que partiellement une autre inscription poétique beaucoup moins lisible. La police de caractères Old English Text, très en vogue chez les tatoueurs, complique le déchiffrage du message. Pour parachever le tout, quelques estampes japonaises sur le bras qui apportent une touche illustrative du meilleur goût à la philosophie épidermique.

J’en suis à ces contemplations lorsque le toril s’ouvre pour laisser entrer la première vache. Notre homme, galvanisé par la consommation de ses substances, s’arme de courage pour franchir les barreaux et se réfugier sous les tribunes — un éclair de lucidité et la solution pour la conservation de son précieux végétal. Remis de ses tourments, ébahi par le spectacle de la vache poursuivant les baigneurs qui se jettent un a un tels des dominos dans le port de Dénia, notre ami, hilare, entreprend le roulage d’un autre joint. Comme lui, ils sont des dizaines et des dizaines, plus ou moins défoncés, plus ou moins tatoués, ou plus ou moins anglais.

Les bous a la mar de Dénia sont une fête d’intérêt touristique à caractère national. Comprenez bien touristique, qu’il ne faut en aucun cas confondre avec le terme culturel, et encore moins avec celui de taurin tant le respect de l’animal et l’afición sont minimes dans ce genre de festivités proches d’Intervilles et autres cirques de « toro piscine », ou de vaches landaises, qui sillonnent la côte atlantique française en période estivale.

Notez qu’aux mêmes dates se déroulent les fêtes de Pampelune ; il ne vous reste plus aucun doute sur la destination à choisir.

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