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‘Capuchero’

Avant, j’allais à Benifairó de les Valls pour la place de l’église, le mur de pierres séculaire qui délimite la cour de l’ancien palais seigneurial, et la barrière qui le prolonge et qu’on installe les jours de toro. Sur le mur, les gens s’assoient en rang d’oignons et tentent d’apercevoir le toro entre les branches des arbres, tant bien que mal, au risque de choper un torticolis.

À Benifairó, j’y allais pour la sortie du toril, coincé entre l’église et la grande demeure au large balcon où s’entassent autant d’enfants que possible. Au dessus du toril, la pancarte bien renseignée, avec le pedigree intégral du toro — le genre de choses qu’on apprécie quand on vient voir un toro, pas n’importe quel toro. J’y allais aussi pour voir ce petit vieux tout maigre, chaussé de ses espadrilles valenciennes et coiffé de sa casquette, qui s’assoie juste derrière la barrière, sur son cageot d’oranges.

J’allais à Benifairó pour admirer les échafaudages d’échelles plaqués contre les arbres : un abri en hauteur et en première ligne pour profiter du spectacle ; véritables œuvres du génie de la construction, enchevêtrement d’acier et de cordes, le tout tenu fermement par des nœuds encore inédits dans la marine. J’allais aussi à Benifairó pour voir le type accroché à la croix de l’église pendant la sortie du toro. Refuge d’altitude béni par le divin — on n’est jamais trop prudent. On pourrait continuer un bon moment. La petite place de l’église de Benifairó de les Valls est certainement un des plus beaux endroits du bous al carrer.

Désormais, je ne viendrai plus seulement pour la scénographie. J’y viendrai avec le souvenir de ‘Capuchero’ et l’espoir que l’histoire se répète encore une fois. ‘Capuchero’, toro cárdeno du fer de Moreno de Silva, qui se présente désormais sous l’appellation Saltillo. Une tornade, un ouragan de bravoure qui leva le sable et la poussière à sa sortie du toril lors de deux rondes folles. Un missile téléguidé lancé à la poursuite de celui qui se planta pour le recevoir. Un obus expédié contre les barrières, qu’il frappa en bas à plusieurs reprises jusqu’à s’en faire péter l’étui des cornes. Une machine à charger, la queue en l’air et mettant les reins. La tête en bas au moment d’entrer dans le quiebro et, à sa sortie, un grand coup de frein à main, les pattes arrières qui patinent comme dans un Tex Avery, dérapage contrôlé et demi-tour toute pour reprendre la poursuite de celui qui est resté derrière. Une grande émotion, un tonnerre d’applaudissements. Un toro qui va jusqu’au bout, qui répète et qui en impose. En quelques instants, ‘Capuchero’ a dépeuplé la place de Benifairó. Seulement trois ou quatre se sont risqués à le provoquer, sûrs de leur feinte et de leurs jambes. Et puis, il s’est engouffré dans la petite rue, à la poursuite de ceux qui s’y cachaient. Sur l’asphalte qui brûle les sabots et qui révèle la mansedumbre, ‘Capuchero’ ne s’est pas dégonflé et à continuer de charger tout ce qui se présentait. De grands démarrages et des vagues de panique dans l’assistance. Sueurs froides.

‘Capuchero’, un toro brave dans les rues, un vrai, comme on en voit peu.

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