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La fausse rue Arrieta

fb_gallitoVoici une des photographies les plus connues de notre histoire taurine. Elle montre Joselito, le grand, devant la porte de sa maison madrilène de la rue Arrieta, un jour de corrida de 1918. L’auteur du cliché est Baldomero Fernández Raigón, photographe incontournable du monde taurin, père de José Fernández Aguayo, lui aussi photographe, et torero, avec plus de peines que de gloire.

José, le fils, restera connu et reconnu pour avoir été le collaborateur fidèle de Luis Buñuel, son directeur de la photographie. Cette image fut notamment exposée, en 1991, à Madrid, lors d’une rétrospective organisée par le centre des affaires taurines. L’exposition donna naissance à un extraordinaire catalogue : Baldomero & Aguayo. Fotógrafos taurinos, par Álvaro Martínez-Novillo.

J’avais, à cette époque, pris contact avec José Fernández Aguayo pour obtenir l’autorisation d’utiliser le cliché de son père. Joël Bartolotti était en train d’écrire la biographie du monstre de Gelves, et le cliché en aurait été la couverture parfaite. José Fernández Aguayo nous reçut, sans aucune difficulté, dans son appartement cossu de la rue de Jorge-Juan, pas très loin de l’emplacement de la Plaza vieja, lieu des exploits de Gallito. C’est là que se trouve l’actuel palais des sports. Instants précieux au cours desquels ce vieux monsieur, déjà fatigué mais d’une gentillesse extrême, sortait de sa bibliothèque des boîtes en carton soigneusement conservées pour nous laisser découvrir les plaques de verre exposées par son père.

Un concentré d’histoire taurine avec pour héros principaux Joselito et Belmonte — des scènes et des instants incroyables. Avoir accès à ces documents originaux, pouvoir les manipuler, les observer à loisir était quelque chose de presque incroyable. Une remontée dans le temps vertigineuse, la sensation de toucher l’histoire, s’en approcher. Le témoignage réel de l’âge d’or du toreo étalé sous nos yeux. Une matinée inoubliable. Il nous autorisa évidemment à utiliser la fameuse photographie pour la couverture du livre de Joël.

Je ne pensais pas devoir revenir un jour sur cette histoire. C’était sans compter le travail d’un aficionado madrilène de catégorie : Andrés de Miguel. Sans doute un de ces vingt ou vingt-cinq… Andrés de Miguel est co-auteur d’un livre indispensable, Adiós, Madrid, prolongé depuis par un blog qui l’est tout autant.

Andrés de Miguel, comme nous tous, s’est promené rue Arrieta. Comme nous tous, il s’est dit que c’était là qu’avait été prise la fameuse photo. Comme nous tous, Andrés de Miguel a remarqué que la porte d’entrée n’était pas franchement la même qu’à l’époque ; mais, à l’inverse de nous tous, il n’a pas pensé que, sans doute, avec le temps, et peut-être suite à des travaux de rénovation, la façade avait été modernisée. Andrés n’en est pas resté là. Il s’est creusé les méninges, a réalisé un véritable travail d’historien et a fini par trouver. Il a retrouvé la fameuse porte devant laquelle a posé Joselito.

Ce n’était donc pas à Madrid mais à Tolède, devant la porte de l’hôtel Castilla. Et ce n’était pas en 1918 mais en 1916, avant ce qui restera comme l’unique course toréée par Gallito dans cette ville. Vous pourrez lire tout ça très en détail et en espagnol sur le blog d’Andrés : « La falsa calle Arrieta ». Pour celles et ceux qui ne liraient pas l’espagnol, et même pour les autres, je ne saurais trop leur conseiller l’excellente biographie du grand Joselito écrite par Joël Bartolotti et disponible à l’UBTF (cf. couverture ci-contre).

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