logo

Santa Coloma for Ever

Aire-sur-l’Adour, 1er mai 2015 — Novillada concours de Santa Coloma : D. José Escolar Gil, Valdellán, Flor de Jara, Raso de Portillo, Toros de Pablo Mayoral et Coquilla de Sánchez-Arjona pour Borja Álvarez, Louis Husson et Roca Rey.


L’encaste Santa Coloma est un subtil mélange des rames Ibarra et Saltillo, toutes deux issues de Vistahermosa. Aujourd’hui, le Saltillo a pratiquement disparu. En revanche, le sang Ibarra, au gré de ses diverses évolutions, a inondé le marché, si bien que la diversité est mise à mal, que ce soit en terme de comportement ou de génétique. En fait, dans la cabaña brava actuelle, la diversité porte un seul nom représentatif : Santa Coloma. En annonçant une novillada concours de Santa Coloma, la Junta des peñas aturines nous invitait à la différence et déjà on l’en remerciait.

L’une des particularités de l’encaste Santa Coloma est l’irrégularité. Un désordre qui se retrouve à la fois dans ses comportements et dans ses morphologies. Picante como guindillas o dulces como rosquillas (piquant comme des petits piments ou savoureux comme des gâteaux secs), a-t-on coutume de dire.

La douceur, jusqu’à la fadeur, nous l’eûmes avec les deux novillos les plus asaltillados, ceux de D. José Escolar Gil et de Flor de Jara. Plus intéressant fut celui de Toros de Pablo Mayoral, sans être éblouissant pour autant. Ce novillo laisse regretter la mauvaise lidia qu’il a subie lors du premier tiers. Les moments les plus piquants du concours vinrent des élevages de la branche ibarreña du Santa Coloma : Valdellán, Raso de Portillo et Coquilla de Sánchez Arjona. En effet, l’affrontement du jour tourna largement en sa faveur.

Le novillo de Valdellán illumina tout d’abord l’après-midi par sa race. Très mobile, « rematant » d’entrer, sa charge agressive attira d’emblée l’attention par sa longueur et sa force. Seul un surprenant manque de fixité pouvait enrayer les prévisions, mais, dès la première pique, le novillo se fixa dans le combat pour ne jamais plus en sortir. Il prit quatre piques, données avec modération. Il y démontra une belle bravoure, supérieure dans l’allant que dans son comportement au peto, non pas qu’il ne s’employa pas, mais un certain manque de puissance une fois au cheval empêcha l’émotion de monter jusqu’aux tendidos et laissa un goût d’inachevé. C’est à peu près tout ce que l’on peut lui reprocher, car la suite fut un festival d’alegría au cours duquel il régala le public de sa charge longue et noble. Alimenté par un moteur d’acier, il partait de loin et répétait à souhait. Vuelta al ruedo au novillo, qui remporte haut la main le prix du meilleur novillo de l’après-midi.

Il n’y aura pas d’autre novillo complet, mais pratiquement tous apportèrent de l’intérêt. Le Raso de Portillo, un imposant negro listón, large, long et armé, fit le meilleur premier tiers. Véritable carretón pour chevaux, il partait de loin avec une alegría qui fit, cette fois, monter l’émotion jusque sous le toit des arènes Maurice-Lauche. Juan Agudo le piqua remarquablement à quatre reprises sans rectifier, plaçant deux piques d’exception, là où il faut et comme il le faut, à un novillo qui venait vite et de loin. Malheureusement, le novillo fut seulement bravito, ne terminant pas ce qu’il entreprenait. Ainsi, il ne s’employa pas dans le peto, comme plus tard il ne terminera pas ses charges dans la muleta.

Haut, long et amaigri, le Coquilla de Sánchez-Arjona semblait bien mal en point à sa sortie du toril. C’était sans compter sur sa caste, qui allait faire bien plus que le maintenir tout le combat. Bien qu’ibarreño, le novillo présente des caractéristiques asaltilladas dans sa charge de félin. Il pousse le cheval sur deux piques, mais ses facultés physiques ne permettent pas de le juger dans l’exercice. Par la suite, au lieu de s’effondrer, le novillo va se grandir et faire étalage d’une noblesse des plus piquante, la bête accélérant pour prendre le leurre et maintenir le danger durant toute la faena. Face à cette adversité, il fallait un torero, et tel est le qualificatif qu’il faut donner au jeune Roca Rey. Calme, il ne concéda rien à l’agressivité du novillo et le mena d’une main ferme et gracieuse. Outre le fait d’avoir coupé deux oreilles, Roca Rey venait de démontrer qu’il était possible de toréer des novillos qui, en d’autres mains et dans d’autres lieux, auraient été déclarés impossibles.

Impropres au combat, point final, nous dit-on de ces élevages et de ces encastes. Ceux-ci ne seraient bons que pour l’abattoir… Non messieurs ! À vaincre sans péril l’on triomphe sans gloire : voilà ce que nous vivons à longueur de temporada et voilà l’explication la plus probable de la désaffection du public pour les arènes.

En cette fin d’après-midi, les tendidos souriaient et le sourire le plus large s’affichait sur le visage de Javier Sánchez-Arjona. Il savait mieux que personne le mérite de Roca Rey, mais au-delà de l’instant il criait sa satisfaction d’un concours entretenu et intéressant, bien loin de l’image ennuyeuse que certains veulent prêter à cet exercice. Sur la route depuis Salamanque, il appréhendait sûrement le fait d’assister à un hommage posthume. Le chemin du retour sera celui des projets, des illusions, des projections. Et c’est sûrement là la plus grande réussite des Aturins : raviver la flamme d’éleveurs en difficulté. C’est par ces gestes que l’on sauve un élevage, un encaste et la diversité de la cabaña brava. Messieurs, bravo !

Toutes les photographies du portfolio sont signées Laurent Larroque. Un grand merci à lui.

Laisser un commentaire

*

captcha *