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Cristobal Hara, Cuatro cosas de España, Visor ediciones, 1990.

Elles datent d’avant 1985. Avant que Cristobal Hara n’abandonne le noir et blanc et ne se consacre qu’à la seule couleur. Couleur ou pas, oeuvres de « jeunesse » ou pas, les photographies de Hara réunies dans ce superbe Cuatro cosas de España sont d’une force rare.
Dans un entretien, le photographe espagnol avouait que « lo que he estado haciendo durante años es intentar encontrar alternativas a los distintos elementos del lenguaje tradicional del reportaje por ejemplo para no apoyarme en el “pathos” o sentimentalismo de las miradas, tapaba las caras o cortaba las cabezas.
Construía sobre el vacío; daba protagonismo a elementos secundarios o tapaba la acción principal frente a la supuesta objetividad y honestidad del fotoperiodista, yo intentaba dar gato por liebre, sacando las imágenes de contexto, mezclando, etc ».
Son Lances de aldea, entièrement consacré à la tauromachie, est la preuve — sublime — de ses propos.
Dans ses photographies noir et blanc, la démarche est clairement plus empreinte de classicisme : le sujet principal est bien le sujet principal, les têtes ne sont pas toujours coupées, la périphérie n’est pas le centre.
Pourtant, à bien y regarder, le Hara des années 19760 et 1970 annonce sans doute possible le Hara coloriste des années 1980 et 1990. La preuves se trouve à la fin de l’ouvrage, dans la liste précise et détaillée des lieux et dates des photographies. Là, un astérisque indique que certaines photographies ont été prises sur un film couleur et passées ensuite au noir et blanc. Ce sont ces photographies, toutes prises après 1985, qui marquent le passage vers un nouveau regard. L’ultime, prise dans la Mancha en 1985, en couleur, est un pur chef-d’œuvre au centre duquel une tête coupée de toro tache le sol. Deux jambes surmontées d’un short de foot regarde cette tête et sur la gauche du cliché passe un chien, un berger allemand, dont le cadrage a coupé la… tête.
Dans les photographies de sa première période, si le classique l’emporte, il n’en reste pas moins qu’on devine déjà que Hara aime les périphéries et les sorties des sentiers battus. Ici le cul d’un cheval empêche de regarder sereinement un groupe de chiens de Castille, maigres et laids; là un portrait de Franco détourne l’oeil d’un groupe de jeunes soldats.
L’on croirait à un Hara Kiri quand finalement il n’en est rien. Hara n’a pas tué Hara, il a continué d’être lui. — Laurent Larrieu