Dans la voiture qui nous ramenait à Bordeaux après quelques derniers verres, dimanche soir, Florent évoquait le bilan général de trois des férias toristes Françaises de cette saison : Vic, Céret et Parentis. Globalement, pas grand-chose à se mettre sous la dent : un Los Maños à la concours de Vic, un sobrero de Miguel Zaballos méchant à Céret à la rigueur, un sobrero de Raso de Portillo à Parentis vaguement et quelques inédits dont la novillada de Vinhas à Céret passée à l’as faute de novilleros à même de se mettre devant.
C’est très peu en dix courses et le statut « d’invités surprises » de ces quelques exemplaires dignes d’intérêt témoigne probablement de la difficulté pour l’organisateur de feria toriste de monter une corrida avec un lot complet et digne d’intérêt aujourd’hui.
Je n’étais pas venu à Parentis depuis quelques années, depuis ce jour où j’avais sincèrement vendu préalablement à une compagne un endroit « mignon, à voir absolument » : en pratique, une arène entre un château d’eau et une usine filiale d’Arkema produisant des charbons actifs, pas loin d’un lac où l’on exploite des hydrocarbures… Ma première impression quelques années auparavant d’un village tout entier tourné vers la présentation de novilladas d’encastes rares m’avait vraisemblablement tourné la tête et embelli le tableau.
Retour à Parentis donc dans le difficile contexte torista que l’on connaît et qui ne semble avoir de cesse de se confirmer.
La novillada de Los Maños arborait une devise noire en hommage à Victor Barrio et le petit frère du funeste Lorenzo sortit en cinquième position et fut le meilleur du lot aragonais généralement fade, disparate et avares de cornes et présence en piste comme dans le premier tiers, le second fut changé pour boiterie et remplacé par un Raso de Portillo très armé et encasté qui chassa les burladeros puis prit quatre piques dont une première longue et sévère sous le fer de laquelle il poussa fort. Il partit de loin pour la deuxième rencontre, poussant fixement à nouveau, accusa le coup à la troisième en raison de l’énergie laissée auparavant. Le président insista pour la quatrième rencontre au grand dam de Guillermo Valencia, faux incrédule et vrai sale gosse qui plaça alors le novillo près du cheval en signe de mauvaise volonté. Durement châtié, Velillo perdit sa fixité au cours d’une faena où rien ne fut fait pour lui épargner l’ornière de la distraction où il finit par s’embourber. Un tiers, deux pinchazos, une estocade plus tard et le novillo mourut sans mot dire, bouche cousue. La course retomba ensuite dans l’ennui dont le Colombien sut la sortir lors du combat de Lorenzo : picador applaudi pour préservation des espèces menacées, excellent début par doblones toréés, d’importants moments à gauche exploitant la noblesse de la charge et dans une moindre mesure à droite dans une série entamée de loin. Estocade plate et contraire : oreille méritée.
Autre Colombien de Medellin (dont le Nacional a remporté récemment la Copa Libertadores), Juan de Castilla fermait le cartel, très torero quand il se double, il expulse le toro vers l’extérieur quand il torée en général à la muleta et aime se mettre dans les cornes. Guère convaincant mais toujours mieux que le compatriote de Pepin Liria, David Fernandez (de Cehegin), passé complètement inaperçu, guère aidé par la soseria du 1 et les volontés d’enlacements du 4.
En matinée, Novillada de quatre novillos de El Añadio pour Manolo Vanegas et Jose Cabrera. Deux novillos difficilement présentables pour commencer entre faiblesse et trapio insuffisant. Le 3ème, Cidronito commença par remater aux burladeros puis Vanegas prit les choses en main pour une lidia totale et productive : le tiers de trois piques le plus rapide de l’histoire en à peine plus d’une minute (ce gamin aurait fait du bien à la buvette de l’ADA, au rateau en piste), banderilles moyennes mais sur le même tempo. L’histoire avait commencé par deux largas aux planches puis des Veroniques allurées genou plié en gagnant le centre et ponctuées par une larga serpentina. La faena s’ouvrit sur un « avertissement » tenant de l’intimidation à droite. Opportuniste et toujours un peu rapide, Vanegas prit la gauche où le toro finit par prendre des défauts en donnant des coups de tête. Le Vénézuélien ne rompit pas et mena au final une faena valeureuse ponctuée par des naturelles de face. Une entière desprendida valida l’oreille. José Cabrera, brouillon se fit plus ou moins déborder par ses deux opposants, banderilles comprises. Un novillo s’étant salement abîmé les cornes dans les corrales fut « lidié » (tienté ?) après la novillada (et la sortie des novilleros puis leur retour par le callejon) sous la direction de la ganadera qui avait fait la demande de cet exercice. Vanegas assura le premier tiers et Cabrera les deux suivants.
La « concours » du dimanche après-midi clôtura la feria sur une note désastreuse. Le bétail proposa le même genre de jeu qu’au cours des deux exercices précédents : relativement discrets au premier tiers, dans l’ensemble, plusieurs novillos auraient permis à de meilleures mains de toréer et de s’emplir de quelques appendices. Hélas, Jesus Chover, Miguel Angel Silva et Gerardo Rivera, respectivement 6, 3 et 3 ans de novilladas piquées derrière eux passèrent à côté de leur sujet et, peu aidés par des cuadrillas inconnues et à la dérive, offrirent des lidias scandaleuses foutant en l’air les quelques bonnes volontés et plongeant l’après-midi dans un ennui long (3 heures de course, comment-est-ce possible ?!?) et profond, délayant la masse goudronneuse de la médiocrité crasse dans la déclinaison d’une incompétence insondable. Le Monteviejo sorti en quatrème position fut remplacé par un Los Maños imprésentable, dépourvu de physique et de cornes dont la lente agonie fut l’occasion d’une torture infâme à coups de pinchazos et de descabellos à non seulement vous quitter l’aficion mais à vous faire basculer dans le militantisme anti-taurin.
1/ Partido de Resina noir et bof
2/ Santa Teresa énorme, compact, profond, assassiné à la pique comme la plupart de ses congénères en divers points de son anatomie, finit avisé et tardo.
3/ Couto de Fornilhos, de discrète présentation malgré le voisinage du Santa Coloma au cartel et de ses origines La Corte, prit 4 piques dont une en y retournant seul, prit 2852 capotazos en deux tiers et reçut une faena superficielle en récompense d’une relative bonne volonté de sa part. Il laissa une oreille injustifiée à son opposant mexicain.
4/Monteviejo, boiteux.
4bis/ Los Maños, bien piqué (piques bien placées tombant au dernier moment) mais jamais retenu dans sa rencontre violente avec le cheval connut le sort décrit auparavant.
5/ Valdellan, plus imposant que son type ne le laisserait imaginer : démonté à la pique…
6/ Raso de Portillo, assassiné en trois rencontres par le mayoral de l’élevage lui-même, deux piques dans l’épaule notamment furent scandaleuses. Rivera partageant les banderilles avec Chover réussit l’exploit après n’avoir mis qu’un bâton lors d’un cuarteo à faire 0/4 lors de deux tentatives au violon, demanda le changement en vain et finit par clouer une paire « classique ».
A la sortie de la course, des commentateurs démontèrent à juste titre les novilleros et les cuadrillas au micro de l’organisateur mais aussi les bandas qui rythmèrent l’ennui général de diverses manifestations sonores intempestives. Bouc-émissaire tout trouvé, les vieux se demandaient comment se débarrasser (littéralement) de ces jeunes sales à rien ayant troublé qui « la lithurgie », qui « le rite sacré ancestral » et permirent à tous de s’indigner en glosant en cœur sur le respect et les conventions. Que les organisateurs ne se voilent pas la face ni ne se cachent derrière les facéties de quelques ploucs bruyants et avinés, l’impression désastreuse qui résulte de la feria 2016 tient tout autant à des détails qui leur incombent : la vente erratique des billets de novilladas où, comme dans certaines arènes du sud-est, les places les moins chères sont mystérieusement épuisées avant que d’autres ne s’en procurent quelques minutes plus tard (systématique et constaté sur la vente des trois novilladas), les clarines assurées de façon plus ou moins heureuse par trois membres déguisés de la banda bruyante, les cornes en pinceaux, les piques montées à l’envers (selon les organisateurs, pas assez d’effectif pour avoir un préposé aux piques), le trapio indécent de certains novillos et le choix douteux de laisser lidier en public un novillo aussi amoché que le fameux cinquième de la matinée… Parentis donna ce week-end une image assez déplorable de féria au rabais emportant les quelques rares moments intéressants lors des deux premières courses.