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Serrer les dents

Ricardo Torres a 37 ans et personne n’y peut rien. Il a pris l’alternative en 2001 dans sa ville, Saragosse, en se glissant dans un cartel de prestige – Espartaco, El Juli et des Toros de Jandilla – qu’il n’a jamais revu, comme souvent… Depuis, il est torero.
Lors d’une tienta, début avril chez Jean-Louis Darré, il est venu tester deux vaches représentant chacune un fer de la maison, Camino de Santiago en premier et l’Astarac en suivant.
Quatre heures de route depuis l’Aragon, une sortie du Somport inattendue dans les bourrasques de neige et le brouillard épais d’un hiver moribond qui se prolonge  en coups de cornes contre le printemps. La sortie du tunnel pour Ricardo Torres, c’est une vieille affaire. Il a pas mal roulé ses plaies et ses bosses, manquant d’y laisser la peau, notamment en 2003, au Pérou. Comme tous les toreros, Ricardo Torres est un miraculé.
Quatre heures de route par un matin bruineux que lui et son compagnon de périples sont les seuls toreros à braver. Quatre heures de route en se faufilant entre les gouttes pour donner quelques passes dans la placita gersoise aux murs safran que les fragiles rayons d’un soleil intermittent illuminent brusquement. Quatre heures aller, quatre heures retour pour s’envoyer deux vaches en guise de petit déj’.
Ricardo Torres a confirmé à Madrid le 24 août 2014 et un nouveau contrat l’attend à Las Ventas en 2016. Alors, qui sait ?
Pour l’instant, il répète ses games, capote, véroniques, muleta, à droite, à gauche. Torero.
Après l’apéritif, une collation rapide, quelques échanges avec les aficionados présents et il faut déjà repartir. Quatre heures aller, quatre heures retour pour se sentir torero pendant 45 minutes.

Le printemps s’est éloigné sans un regard et l’été s’est avancé vers son zénith.

Ricardo Torres a débuté sa saison devant les toros de El Ventorrillo, le dimanche 7 août 2016, à Madrid, dans les arènes de Las Ventas, son unique contrat. Il portait un habit de lumière vert comme l’espérance. Ricardo Torres a effectué un tour de piste mérité, d’après les rares chroniques, le seul de l’après-midi. Il a souri en direction des gradins clairsemés, parsemés d’aficionados égarés au milieu de massifs multicolores, fleuris de touristes cosmopolites à déclenchements photographiques instantanés. Le portait de Ricardo Torres trônera en bonne place dans un salon de Dayton, un couloir de Sydney, une chambre de Shanghai ou un frigo de Garge-lès-Gonesse, qui sait ? Héros d’un jour, clic-clac pour toujours !

C’était la vuelta de la lanterne rouge… le 132ème de l’escalafón des matadors, le classement des inclassables.
Pour les modestes, les sans grade, les malchanceux, les novices ou les vétérans, le temps presse. Début août reste un rempart contre l’oubli. C’est la dernière chance d’y croire, l’opportunité à saisir pour venir bousculer l’ordre établi et s’accrocher à l’éphémère, inexorablement. C’est l’occasion d’être Torero, encore une fois.
Passé le 16, il faut recommencer à serrer les dents.

Ricardo Torres a 37 ans, file le temps …

ricardo_torres_tienta

  1. Anne-Marie Répondre
    Suerte Torero. C'est comme les "petits éleveurs " de France personne n'en parle, même pas CYR. Dommage. Jusqu'à l'oubli. Pourtant un Gardois Cyrien doit bien en connaître au moins un ?

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