Olivier Deck nous a envoyé ce texte qui alimente et approfondi le débat concernant le trapío. La photographie qui accompagne ces lignes est également signée Olivier Deck, il s’agit du Cuadri ‘Tanquisto’ lidié à Dax en 2013.
» Trapío deriva del lengage marinero y vale por velamen » Cossío.
L’autre jour, j’avais décidé de faire des lasagnes pour régaler la famille et les amis. Afin de les rendre plus goûteuses, m’est venue l’idée d’améliorer la béchamel – toujours un peu molle même avec la muscade – par addition d’un mélange de crème et de mascarpone. Comme je coupe les légumes en dés minuscules, pour obtenir un bolognèse onctueuse, et que je fais revenir tous les ingrédients à part, l’entreprise prend trois heures en cuisine, à tel point qu’à table, je n’ai plus qu’à espérer le régal des convives pour que mon effort reçoive gratification. Hélas, crème + mascarpone, ça corse un peu trop le goût et le plat perd en digestibilité. Les convives bien élevés ont gloussé d’un plaisir hypocrite, les vrais amis se sont abstenus de tout commentaire, ma femme quant à elle a réglé le débat en disant : « le mascarpone c’est trop fort et la crème alourdit la sauce ». Que voulez-vous, elle aime la vérité, et question cuisine, elle y tâte. Deux raisons qui me valent bien de l’aimer.
On doit glorifier l’effort de Parentis, mais cela n’implique en rien d’agiter l’encensoir systématiquement. Plus l’ADA sera considérée et jugée selon les règles de l’Art taurin par des aficionados sérieux, avec un avis personnel et argumenté, plus elle sera à même de progresser sur le difficile et vertueux chemin qu’elle s’est choisie. Quelques arènes en France ont décidé de tenir une ligne extrêmement exigeante, et forcent le respect de Marseille à Sanlúcar (Parentis, Roquefort, Vic, Céret, Orthez, j’en oublie), cela ne confère pas pour autant à leurs responsables le statut d’intouchables. Pour preuve, cette confusion regrettable des critères ici au débat. Sans aller chercher jusqu’à Navalón ou Vidal, nous pourrions renvoyer les grincheux à la lecture de Pelletier, Tio Pepe, Paco Tolosa, et même le vétilleux Popelin, autant d’auteurs des générations passés mais pas si lointaines, qui ne confondaient pas les vessies et les lanternes. La dérive des critères – et la notion de trapío est particulièrement concernée – est un mal de l’époque auquel ni Madrid ni Bilbao n’échappent. On ne s’étonne donc pas que Parentis soit contaminée. Allez, pour le plaisir et à bons entendeurs, voici un grappillage d’avis d’autres auteurs que ceux cités.
Trapío :
Luis Nieto Manjón :
« Conjunto de caracteres de apreciación visual de un toro, que hacen juzgar de su aspecto, estampa et probables condiciones de lidia. »-« … por trapío se entiende buena planta y gallardía del toro de lidia. »
Alvaro Domecq :
« … trapío es un concepto que no puede especificar un reglamento, porque incluso es difícil definirlo. Los camperos lo definen así : tiene cara de hombre. »
Próspero Campero (in El Eco taurino) :
« Se da el nombre de trapío a la bravura y decisión para acudir al capote o muleta. »
En somme, comme tout un chacun peut le lire, le trapío est affaire de subjectivité. Mais la subjectivité ne saurait établir sa base (flottante) sur l’ignorance. Plus on connaît son affaire, plus elle s’affine et se raffine.
Il serait extrêmement dommage pour le petit avenir qui reste à la tauromachie, qu’elle se perde dans des querelles intestines. Les aficionados n’en sont pas pour autant condamnés à s’entendre, mais plus que jamais il doivent faire preuve de respect et de tolérance, y compris dans la radicalité de leurs positions. La diversité des avis, des sentiments, des perceptions fait toute la richesse des réactions de ceux qui aiment l’art taurin.
Pour vivifier la tradition taurine et perpétuer un état d’esprit qui en fait sa grandeur, il est essentiel de revenir aux livres, aux textes, à la théorie, à l’art de la conversation (tertulia) … dont la dégénérescence constitue la pire menace pour la passion taurine elle-même.