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Les cons répondent aux cons

fb_lorcaSans se draper du facile « c’était mieux avant », il n’est pas outrancier d’écrire que les grandes plumes ont déserté le monde de la corrida. Si le style s’impose chez certains, souvent le fond ne l’accompagne pas et le vide de ses jolis atours.
Dans le panorama critique de ce premier XXI° siècle, seul Antonio Lorca qui signe de son nom dans la rubrique taurine du quotidien El País suscite encore réactions, cris d’orfraie, stupeur et tremblement. Non pas qu’il arrive à se hisser au niveau, tant littéraire qu’analytique de feu son prédécesseur Joaquín Vidal, mais Lorca balance parfois des points de vue qui ont l’intérêt majeur de faire réfléchir, d’interroger et/ou de déranger. Du moins ceux qui le lisent et il ne fait pas grand doute que ceux-là sont de moins en moins nombreux : le parcours de « l’information » sur les réseaux sociaux ou sur les sites spécialisés a pris le pas sur l’exercice exigeant mais intellectuellement bienfaiteur de la lecture d’un papier de plusieurs dizaines de lignes — sans image — dans lequel l’auteur propose une réflexion. N’évoquons même pas la lecture de livres un tant soit peu fournis.
Dans un de ses derniers textes paru en octobre 2016, Lorca réagissait à une polémique qui, malheureusement, incarne à merveille la stupéfiante bêtise qui préside à notre monde ultra connecté. Contexte : le samedi 8 octobre 2016 a eu lieu dans les arènes de Valencia un festival taurin organisé pour soutenir un petit garçon atteint d’un cancer et dont le rêve est de devenir torero. Il s’appelle Adrián. Les toreros ont répondu présents et le gosse a dû s’endormir ce soir-là avec des étoiles plein la tête. Le lendemain, sur Twitter, un anonyme lui souhaitait de mourir de son cancer. Dans la foulée, une pluie de réactions à chaud, plus virulentes les unes que les autres, plus bêtes aussi, tombait plus fort qu’un orage de grêle sur un anonyme dont le compte twitter avait disparu moins de trois jours après — on apprend qu’une enquête aurait été ouverte.
Dans son article, Lorca ne cache pas sa désespérance face à l’ignominie d’un homme souhaitant la mort d’un gosse malade — comme nous, il ne s’étonne plus du vide neuronal de certains artisans de la cause anti taurine. Nonobstant ce constat facile, Lorca pousse la réflexion un peu plus loin et regrette dans le même temps la bêtise du camp taurin, de tous ces aficionados du clic incontrôlé qui ne peuvent s’empêcher de tomber dans le vulgaire et l’injure une fois passé le temps de la stupéfaction et de l’écoeurement. Et quand il écrit cela, Lorca devient moins d’une heure après, toujours sur ces réseaux sociaux et de la part des mêmes qui s’étaient lâchés dans le défoulement de leur haine contre l’ignare de service, un militant de la cause animaliste (le mot n’est pas dans le dictionnaire paraît-il), un ennemi de l’intérieur voire le suppôt de PACMA. Diantre, cela fait beaucoup pour un seul homme dont le tort a été de pointer du doigt l’indicible odeur de chiottes laissées à l’abandon, taguées d’insultes et de traces d’étron, que sont les Facebook et autres Twitter.
Le Lorca qui valide un indulto d’une pique et demie, le Lorca qui allume les festejos populares — tout en argumentant de manière intéressante sur les différences essentielles entre ce qu’exige l’afición a los toros en comparaison de celles des rues —, ce Lorca là n’est pas notre tasse de thé et c’est le jeu, après tout, d’être critiqué lorsque l’on critique — le mot critique s’entend ici dans une acception noble du terme. Mais le Lorca qui pointe la lampe de poche sur l’incommensurable nullité de ce que peuvent écrire des aficionados sur les réseaux sociaux mérite des applaudissements car il sait en l’écrivant qu’il sera de nouveau la cible de ces cerveaux ramollis qui pensent en 140 caractères ou à coup de likes et qui prennent pour une information ce qui n’est autre chose qu’une anecdote dont tout le monde se passerait. On ne compte plus les propos haineux et violents qui se confondent souvent avec des incitations à partager des slogans affligeants de défense de la tauromachie pour faire la nique aux anti — n’évoquons même pas les prises de position politiques dignes d’un débat de la primaire de droite. Et celui qui ne valide pas est un traître. Le procédé n’est pas né avec les réseaux sociaux mais ils l’ont conduit à son firmament et l’avenir n’est pas prêt d’atténuer l’odeur nauséabonde de chiottes abandonnées. Quand les cons répondent aux cons, à l’image des « officiels » auto-proclamés défenseurs de la cause qui poursuivent sur le chemin de la provocation en essayant de faire passer la corrida pour un objet lisse, consensuel et légitimé par on ne sait plus quelles traditions. Qui organisent des colloques au Sénat sur le « bien-être animal » (fallait oser !) et qui passent pour des cons définitifs à la radio le soir même. Les cons parlent aux cons et n’est pas l’ennemi de l’intérieur celui que l’on voudrait nous faire croire.

Photographie : @ François Bruschet / Campos y Ruedos

  1. JM Maillol Répondre
    Un seul mot: BRAVO!
  2. JLB Répondre
    Ben voilà, au moins c'est dit ! " C'est le jeu d'être critiqué quand on critique...le mot critique s'entend ici dans une acception noble du terme". Cela me rappelle la réflexion de mon prof de lettres commentant une dissertation dans laquelle, à seize ans, j'avais éreinté Victor Hugo : " Sachez, jeune homme, que toute critique commence par une sympathie". Aujourd'hui, il m'aurait interpellé par mon nom de famille et m'aurait vouvoyé. "Jeune homme" me remettait à ma place. Mai 68 et Facebook ont fait sauter les barrières... Des cons leur avaient ouvert la porte !
  3. MURCIELAGO Répondre
    Pour info, le colloque sur le "bien-être animal" avait été organisé en 2015 au Sénat par des vétérinaires. Rien à voir à celui qui s'est tenu récemment.
  4. Anne-Marie Répondre
    Pas de bagarre, pas de polémique. Le consensus, CyR censure. Presque une belle aliteration, mais tout le monde n'a pas votre talent.
  5. Laurent Larrieu Répondre
    Anne-Marie, Non que nous désirions éviter les polémiques ou les bagarres mais nous avons pris le parti de ne pas publier votre précédent commentaire qui était une réponse à un commentaire que nous avons publié quelques heures puis censuré ensuite en effet. Le signataire de ce commentaire n'ayant pour seule volonté que de venir faire la pub pour son blog tout en se montrant particulièrement insultant dans ses propos à notre encontre. Alors oui, c'est une forme de censure (dont vous avez été malheureusement la victime collatérale) que nous assumons et que nous réitèrerons sans aucun problème vis à vis de ce type de personnage sans aucun intérêt. Cordialement Laurent Larrieu

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