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nahaste-borraste !

dedicaceSi les textes de Laurent sont toujours riches d’enseignements, ils recèlent parfois quelques pépites dont je suis à l’affut. Dans sa dernière production « Le rondeau du Tío Pepe », Laurent évoque le livre Aficíon écrit par Jean-Pierre Darracq et que j’ignorais complètement. Faute d’afición qu’il me faut réparer à tout prix ! Comme nous nous approchons de Noël et que ma belle-mère a l’habitude de m’offrir des T-shirts à manches longues, il me semble tout à faire opportun de me faire un petit cadeau et m’offrir ce bouquin sans tarder. D’autant plus que mon tout premier livre taurin était le fameux Miura du même auteur, acquis il y a un peu plus de quinze ans maintenant. On joint ainsi l’utile à la nostalgie.

Après une petite recherche sur internet, un exemplaire d’occasion relativement bon marché et proposé par une librairie de Bilbao retient mon attention. J’ai l’habitude d’appeler avant de passer commande afin de m’assurer de la disponibilité du livre. L’aimable propriétaire de la librairie Boulandier de Bilbao me garantit le bon état de l’exemplaire qu’il examine pendant notre agréable conversation. Le marché est conclu pour un envoi à domicile à cloche pied entre les jours fériés qui jalonnent cette semaine de décembre en Espagne.
L’ouvrage parfaitement livré en temps et en heure, j’épluche avec soin les différents emballages pour extirper le livre, le feuilleter et le sentir. C’est une manie que de sentir les livres, les vieux comme les nouveaux. Et puis, je découvre, sur la page de garde, une dédicace qui retient mon attention.

On oublie parfois que les livres racontent des histoires en s’insérant eux mêmes dans notre vie ou notre trajectoire. De cette façon ils construisent aussi leur propre histoire. Il existe des dédicaces froides et anonymes, d’autres humoristiques ou légères, et puis il y a celles qui révèlent une intimité entre l’auteur et son lecteur. Ces dédicaces qui ne vous sont pas destinées font jaillir cette vie parallèle du livre. C’est une sensation étrange que de les découvrir et les décrypter, comme si on devenait le témoin involontaire d’une confidence. C’est aussi le sentiment que ce livre ne sera jamais totalement votre.

Pour mon exemplaire fraichement déballé, c’est le destinataire de cette dédicace qui attire mon attention.

Para mi entrañable amigo
Don « Pachuco » Abrisqueta,
Presidente del glorioso
« Club Cocherito de Bilbao ».
En testimonio de admiración
y con un abrazo cariñoso.

Bilbao, 21 de agosto de 1975

Quel hasard de tomber sur l’exemplaire signé d’un des présidents du fameux club taurin de Bilbao ! Et quelle surprise de constater le peu d’intérêt du dit-président à son livre dédicacé avec tous les honneurs pour le revendre d’occasion au libraire du coin. Après l’étonnement succède l’étincelle de réflexion. Le livre datant de 1975 et il me passe par la tête que les enfants ou petits enfants ont peut-être nettoyé les étagères de papa ou papi « Pachuco » passé depuis de vie à trépas.

Ma curiosité est entière et je me hasarde à rechercher les présidents successifs du Club Cocherito pour retrouver notre « Pachuco », qui en réalité doit être Patxuko. Je farfouille dans la page web du club taurin et je tombe sur une liste des anciens présidents avec Don Juan Jose Abrisqueta en 1975 et Don Francisco Abrisketa en 1995 (nommé Patxuko Abrisqueta dans un article paru sur la version digitale du journal El País en 1995). Logiquement, si on se fie à la date de la signature, notre « Pachuco » devrait être Don Juan Jose. Pourtant Patxuko ou Patxi ou Patxo sont des diminutifs basques du prénom Francisco (Paco). Je me suis tapé au passage le dictionnaire basque des prénoms de la Real Academia de la Lengua Vasca. Il y a donc quelque chose qui ne colle pas. Des Juan Jose qui se transforment en Pachuco ou Patxuko, des Abrisqueta avec la lettre ‘k’ de kilo quand ça leur chante, 1975, 1995, un père ? un fils ? un surnom ? L’imbroglio basque est total. Ça me perturbe ce truc. Ça ne m’empêchera pas de dormir, mais ça me perturbe.

Sans éclaircissements supplémentaires, je n’ai que des incertitudes et peut-être une vague hypothèse : si Bilbao n’est plus ce que c’était, que les arènes ne se remplissent plus, que les toros brillent par leur absence, c’est peut-être la faute à un ancien président de son célèbre club taurin qui a perdu ou pire, vendu son Afición. Par chance, c’est chez moi qu’elle a atterri.

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