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L’autofertilité des Oliveira

oliveirasD’après les botanistes, certaines espèces d’oliviers auraient la particularité d’être autofertiles en ce sens que leur propre pollen peut féconder leurs propres ovaires (le cipressino par exemple). La plupart du temps les oliviers accouchent de fruits nommés des olives sauf sur les terres de la Herdade da Baracha (Samora Correia) où les frères Oliviers ont accouché durant des décennies de toiros de lide au noyau également dur et noir. Le rapprochement entre l’arbre et le patronyme Oliveira nous tendait certes les bras mais à y regarder de près l’on pourrait écrire que cette ganadería matrice du Portugal fut l’aboutissement d’un processus lui aussi autofertile car mené entre plusieurs branches des Oliveira portugais. Ce processus autofertile a d’ailleurs offert la possibilité de distiller nombre de fausses vérités à tous ceux qui se sont un jour piqué d’écrire quelques lignes sur l’histoire des ganaderías bravas et, si l’on me permet de m’inclure modestement dans la liste, j’ajouterai : moi aussi !
Tout ce petit monde a l’air de s’entendre sur le récit de la genèse de l’élevage des Oliveira Irmãos mais pas sur la date : 1894, 1895 ou 1896. Car c’est au cours d’une de ces années qu’un dénommé João Pedro de Oliveira, fils d’un Alves d’Oliveira et d’une Joaquina Sequeira d’Oliveira (Oh ! Cousine !), s’en devint ganadero de bestioles de media casta, entendons par là des animaux d’origine surtout portugaise, des toiros da terra, qui servaient lors de spectacles taurins mais que l’on ne rechignait pas à utiliser par la suite comme bêtes de somme.
Au regard des fragiles indices généalogiques rencontrés ça et là, ce João Pedro de Oliveira serait né en 1862 et décédé soixante plus tard, à peu près au même endroit, c’est-à-dire dans une zone de confort allant de Benavente à Samora Correia, soit quelques dix bornes à tout casser, un univers donc ! À sa mort en 1922, le fer et les bêtes passent sous la juridiction de sa veuve (second mariage) Maria da Conceição Ferreira Bica et de leurs enfants (les garçons surtout) Joaquim, João Pedro, Carlos, José et Eduardo. Un temps annoncé Viuva e filhos de Oliveira, un arrangement familial pondu en 1943 ou 1944 fonde la société ganadera des Oliveira Irmãos. En soi, les apparences ne prêtent que peu à confusion… mais confusion il y a avec l’entrée en lice dans cette histoire de Joaquim de Oliveira Fernandes né en 1876 semble-t-il et donné par certains comme le père de João Pedro de Oliveira né, lui, nous l’avons déjà écrit, en… 1862 ! Tant Antonio Martin Maqueda* qu’António Manuel Morais* se fourvoient sur cette fausse filiation. João Pedro de Oliveira et Joaquim de Oliveira Fernandes étaient peut-être cousins éloignés — mais le Portugal compte un nombre non négligeable de Oliveira — mais certainement pas père et fils : les dates l’interdisent ainsi que les origines géographiques puisque João Pedro était homme de Benavente alors que son homonyme était originaire de la belle Évora, plus au sud. De plus, l’élevage des Oliveira Irmãos est devenu une référence en Lusitanie à partir du moment où les fils de João Pedro de Oliveira entreprirent leur révolution Pinto Barreiros en éliminant le bétail portugais de leur père et en acquérant un nouveau cheptel auprès de… Joaquim de Oliveira Fernandes. Et là, les dates coïncident assez bien.

En 1922, quand João Pedro de Oliveira décède, ses héritiers poursuivent son oeuvre en achetant des vaches à Norberto Pedroso et un semental à Infante da Câmara. Peu satisfaits, ils fondent alors leurs espoirs dans les années vingt puis trente sur des vaches et des toros de la viuda de Soler (croisement Jijón/Parladé) et de Claudio Moura — Claudio Moura a racheté l’élevage de Soler en 1937. L’élevage de la viuva e filhos de Oliveira devient lentement mais sûrement celui des Oliveira Irmãos parmi lesquels sortent du lot, dans les menées ganaderas, João Pedro et Eduardo. Ces derniers parachèvent l’oeuvre expérimentale de la famille dès 1938 semble-t-il en introduisant du bétail d’origine Pinto Barreiros sur les terres de Baracha par l’intermédiaire de bétail acheté à… Joaquim de Oliveira Fernandes. Celui-ci n’a pas laissé une grande empreinte dans l’histoire des élevages portugais et il n’est pas vain de fouiller beaucoup pour trouver traces de son élevage… traces qui demeurent brumeuses. Néanmoins, c’est par lui que le sang Pinto Barreiros pénètre les Oliveira Irmãos pour la simple raison que José Lacerda de Pinto Barreiros n’était rien moins que son beau-frère, époux de sa soeur Ana Angélica de Oliveira Fernandes. Alors si Morais fait de son bétail un croisement de « vaches Gamero Cívico et d’un semental de Conde de la Corte », parions que celui qui se situe le moins loin de la vérité reste António Lucio Ferreira* quand il écrit que l’élevage de Oliveira Fernandes était « da mesma casta Barreiro ». Il n’est pas difficile d’imaginer qu’au regard du succès rencontré par Pinto Barreiros chez ses confrères ganaderos de l’époque, le beau-frère ait eu l’envie d’élever lui aussi cette « casta Barreiro ».
Il reste des zones d’ombres en ce qui concerne la date de cette introduction Pinto Barreiros chez les Oliveira Irmãos. 1938 est évoqué par des membres de la famille quand d’autres sous-entendent l’idée que l’élevage de Oliveira Fernandes n’intégra la Leziria du Tage qu’après la mort de Oliveira Fernandes en 1954.
Toujours est-il que les Oliveira de Benavente sont devenus les grands éleveurs de leur époque grâce à un Oliveira d’Évora auquel il rachetèrent l’élevage et surtout les bêtes qu’ils façonnèrent ensuite à leur sauce en renforçant le côté Parladé et la présentation.

Mais le récit de l’autofertilité des Oliveira ne s’arrête pas là et l’histoire des Oliveira Irmãos ne serait rien sans un troisième Oliveira, lui aussi de Benavente.
Dans son ouvrage sur Palha*, Pierre Dupuy écrit que « João Pedro de Oliveira {…} réalisa, en 1963, la fusion entre l’ex-Oliveira Durão et l’ex-Oliveira Fernandes… ». Or, rien n’est moins sûr finalement. L’intérêt de la ganadería de Oliveira Durão résidait avant tout dans le fait qu’elle appartenait à la prestigieuse UCTL, appartenance qui seule permettait de faire lidier ses toros en Espagne. Racheter ce fer en 1963, fer qu’ils n’utilisèrent d’ailleurs pas, permit aux frères Oliveira — en vérité, dans les années soixante, l’élevage était surtout dirigé par João Pedro Oliveira surnommé João ‘Benavente’ car son frère Eduardo était décédé prématurément en 1949 — de s’ouvrir les portes d’un marché à la mesure des ambitions et des exigences de João Pedro Oliveira.

Il aura fallu trois Oliveira de « souches » différentes pour édifier l’élevage de renom connu comme celui des Oliveira Irmãos. L’autofertilité des Oliviers en somme…
Les voisins ne s’y sont pas trompés en achetant au fil des ans vaches et reproducteurs : Veiga Teixeira, Cunhal Patricio, Palha pour ne citer que les plus illustres. Le sang existe toujours même si depuis le début des années 2000 les héritiers on ajouté une deuxième origine (menée séparément paraît-il) venue de chez Gimenez Indarte (Domecq) — la ganadería de Gimenez Indarte a été achetée ces dernières années par Raúl Tenorio qui l’annonce maintenant San Isidro. Le fer existe toujours même si depuis 2012 le tout (fer et bétail) est passé en possession de João Folque de Mendoça, déjà propriétaire de Palha.
L’espoir existe toujours de voir un ruedo annoncer un lot des Oliveira Irmãos dans un futur proche même si déjà, un toro représentera cette histoire plus que centenaire lors de la corrida-concours de Vic-Fezensac 2017.


* Martin Maqueda (Antonio). Ganaderías portuguesas, Editorial Pandora, Madrid, 1957.
* Morais (António Manuel). A praça de toiros de Lisboa – Campo Pequeno, FNAC-Gráfica, Lisbonne, 1992.
* Lucio Ferreira (António). Ganaderías de toiros de lide existentes em Portugal, Chamusca, 1955.
* Dupuy (Pierre). Palha, 150 ans d’histoire. Alchimie de la bravoure, Edições Castelão, Chamusca, 2005.

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