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Le toro monarque

prieto-arles-2010-concoursL’afición ne se dit pas. L’afición, c’est cette gifle silencieuse qui ressemble à un toro monarque de Prieto de la Cal.

J’aurais pu rencontrer François Bruschet dans un roman de Philip Roth. C’est ce que je me dis ces derniers temps. Il y a souvent chez Roth un François Bruschet qui enfouit le reste de sa vie dans un coin isolé du New Jersey où le tohu-bohu de la marche de l’humanité est censé fermer sa gueule, où l’idée de liberté est conjuguée au temps du renoncement et de l’évitement des autres mais surtout de soi.
Et puis ça loupe. La vie est inéluctable. Et la bête qui meurt décède plus lentement, redévorée par des gravats de vie parce qu’une jeune femme, un cul angélique, le désir, un corps.

François Bruschet ne va presque plus aux toros. Ce que c’est devenu, ce que ça ne sera plus. Ce sont ses raisons. Les arènes ne sont pas loin, il pourrait les voir de sa fenêtre mais il a arrêté de les observer et d’y attendre les toros. Il s’est persuadé qu’ils ne viendront plus. Je ne suis pas là pour juger.
En fouillant, j’ai retrouvé ce texte de François Bruschet, aussi court qu’un regard peut être furtif au passage d’une beauté. Ca peut faire mal de voir longtemps. Pour tout un tas de raisons qui ne méritent pas que l’on s’y attarde. J’ai aimé relire ces mots de François Bruschet. Ils disent l’indicible et ils disent l’échec. Parce que la passion, comme la vie chez Roth, est inéluctable. Elle est cette gifle taiseuse qui ressemble à un toro monarque de Prieto de la Cal. L’aficion ne se dit pas, elle se prend dans la gueule quand on la croyait fuie.

 » Aujourd’hui, à Arles, je n’ai pas eu de chance. {…} Je n’ai pas eu de chance, sauf avec le toro de Prieto de la Cal. Un exemplaire somptueux {…}. Une estampe de toro, un bonheur à voir, et à photographier. Un bonheur très nerveux, énervé, contrarié… Une estampe qui va, qui vient, tourne en rond comme un fauve en cage. Une estampe qui fait mine de charger les regards admiratifs d’aficionados agglutinés et qui ne se lassent pas du spectacle. Souhaitons-lui de se calmer et de ne pas s’épuiser d’ici samedi « . (François Bruschet, mars 2010 à propos du toro ‘Limpia-botas’ de Prieto de la Cal lidié lors de la corrida-concours d’Arles).

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