Dans la lettre de motivation qu’il nous avait alors adressée, Luigi Ronda, moins compatriote d’Ordoñez que de Cesare Pavese en dépit de ce patronyme qui nous a tous fait pâlir d’envie avait détaillé son programme et une liste d’objectifs précis et ambitieux pour la promotion de la Fiesta Brava en terre transalpine. Campos y Ruedos prétendait conquérir le monde, Larrieu recrutait à tour de bras des collaborateurs Portugais ou Mexicains, rêvant aux lendemains qui chantent, sans se poser la question de la possibilité du lendemain quand sur l’empire le soleil ne se couche plus. Depuis, Casas a conquis Madrid et Viard colonisé la préhistoire en fondant la nature humaine sur la suerte del recibir, alpha et oméga de l’Humanité, trop ingrate, boboïsée et déracinée pour s’en souvenir. CyR, pas moins mégalomane ou peut-être un rien en dessous, déployait ses forces sur le monde latin, espérant collecter de ses émissaires des écrits et des traités, des manifestes et des philosophies et se muer en une immense bibliothèque d’érudition polyglotte sur le thème de la tauromachie. Certes, ce n’est pas tout à fait ça.
Luigi Ronda, donc, vit ses premiers toros dans les arènes d’Arles que ses ancêtres les Romains léguèrent au peuple Provençal. Très vite, il partit à l’assaut de l’Espagne, se mit en quête de peupler avec Elisa l’Italie de petits aficionados et promettant à grands coups de menton lors de soirées alcoolisés (aussi noir d’alcool que sa chemise) de marcher sur Rome pour que le Colosseo puisse enfin rivaliser avec Las Ventas, reprendre l’Istrie afin de rendre les croates arènes de Pula à la pratique taurine et enfin en finir avec la désastreuse acoustique du cirque de Vérone d’où l’opera serait banni pour que puisse à nouveau couler le sang du toro. Homme complexe de convictions polymorphes, Luigi aficionado accompli ne pèche que dans le choix du club de football, puisqu’au romantique « Toro » grenat de Turin, club martyr à l’histoire tragique, il jeta son dévolu sur le Milan AC, club de gauche revu et corrigé par le crooner Berlusconi.
Renato Carosone supportait probablement le Napoli. Né dans la cité Parhénopéenne en 1920, il fit carrière aux piano et micro après la guerre dans un registre de chansons d’influences napolitaines dont la plus connue reste à ce jour la magnifique « Tu vuo’ fa’ l’Americano« . Chantée en Napolitain, cette satire d’un Italien se prenant pour un Américain fut un succès immense qui éclipsa d’autres tubes d’excellente facture dont ce « Torero » cha-cha-cha qui reprend le thème d’un Rital mytho’.
Tout cela pour dire que même si Luigi n’écrit pas grand-chose sur CyR, même si la Lybie n’est pas près de voir ses vestiges romains se peupler d’aficionados italiens ergottant sur le trapío du bétail et l’emplacement de la pique, il me semble approprié d’écouter Renato Carosone en pensant à lui ce jour. A force d’attendre l’opportunité de mettre ses projets à exécution, Luigi vieillit et aujourd’hui souffle quelques bougies.
Tanti auguri !