Mardi 06 juin 2017 – Madrid
6 toros de Victorino Martín (Albaserrada) pour Diego Urdiales, Alejandro Talante et Paco Ureña.
C’est peu dire que le cartel de la corrida de Victorino Martín clignotait et faisait de l’œil dans la programmation madrilène 2017 : le torero vedette probablement le plus intéressant du moment encadré par deux toreros classiques prisés par les aficionados. En sortant de la corrida de la veille, les rumeurs faisaient état de cinq toros refusés par les vétérinaires et de la nécessité d’aller chercher de nouveaux cornus du côté de Cáceres. Je crois avoir compris que finalement trois toros du lot initial sortirent en piste. L’on imagine aisément que le faible et noble second faisait partie des survivants étant donné la présence d’une figure au cartel : la paranoïa, ce poison… ‘Murmullo’ (immatriculé à Paris, 517 kg né en février 2013) plutôt faible permit à Talavante de s’illustrer à la véronique et à la demie dès les premières passes. Le picador eut la bonté de le préserver, Ureña l’occasion de se rendre compte que sa charge était courte lors d’un quite par Gaoneras. Muleta en main, Talavante démontra à quoi tenait son statut de figura del toreo : le sitio, la préservation de l’espèce menacée de faiblesse et la faculté de faire jaillir l’émotion avec un toro chargeant au pas et sans transmission. Faena de trois séries à gauche, agrémentées d’une trincherilla et deux séries droitières de moindre qualité dont la dernière permit l’emploi d’une arrucina de recours face à un toro de peu de charge. Estocade trois doigts de côté et oreille légèrement protestée.
Le véritable moment de la course fut le combat livré par Ureña au troisième, ‘Pastelero’ (numéro 20, 520 kg, né en novembre 2012), toro encasté trop peu mis en valeur au cheval et ne s’en laissant pas compter, difficile à parer. Les premières séries furent épiques à droite, le toro envoyant en toutes directions de nombreux coups de tête que Paco Ureña aguanta tant bien que mal mais parvint à conduire la série jusqu’à son terme. Deux séries droitières supérieures suivirent : le toro suivant le leurre avec engagement et codicia dès lors que le torero baissait la main. Le passage à gauche ne connut pas le même succès, la faena perdit en intensité dès lors que Ureña mit un point d’honneur à se croiser et à toréer de face en contrepartie de quoi il cita systématiquement avec la muleta en arrière, au niveau de la hanche. Que dire de la faena sinon que le torero resta probablement en dessous du toro, dépassé par la caste vive mais plus que digne et volontaire, héroïque dans son engagement. Ureña plaça une estocade dans le haut dans les canons en entrant droit mais l’épée, légèrement plate tarda à faire effet et deux échecs au descabello privèrent le matador d’une oreille, qui ne fut que vuelta alors que le toro était applaudi derrière les mules. En quelques minutes les protagonistes venaient de donner matière à des heures de controverses en tous lieux et à toutes heures, ni le Gin Tonic du burladero, ni la manzanilla de la Venencia, ni même les cañas des arènes ne permirent de trancher vraiment la question.
Urdiales eut le mérite au 4, ‘Buscaplebes’ (Nièvre, 552kg né en décembre 2012) de mettre en valeur la charge allègre du toro au cheval, celui-ci s’élançant du centre à la troisième rencontre, quelques secondes d’espoir anéanties par un comportement réservé sous le fer et dans le matelas. Le toro accusa le coup ensuite. Diego semble toujours accuser celui de l’adoubement de Curro Romero, 83 ans 6 mois 5 jours, présent en tendido 8 ce jour, impeccable et le cheveu de jais. S’il expédia à raison le premier exemplaire de Victorino, ‘Soberano’, grande mule de 592 kilos de janvier 2012 sortie promener sa vacuité au pas, il manqua de fermeté et de certitude face au quatrième et ne proposa pour ainsi dire rien. La course eut le défaut de perdre en intensité dans sa seconde partie, au moins en ce qui concerne les dispositions des toreros. Mis en déroute au capote par le cinquième, ‘Pesonero’ (numéro 59, 570 kg né en novembre 2012), Talavante consentit sans mot dire deux fois au regard interrogatif de son picador qui assaisonna la pique. Apparemment chahuté par quelques spectateurs, l’extremeño n’insista guère au troisième tiers.
Toro encasté et difficile, le sixième et finistérien (numéro 29) ‘Bocacho’, né en janvier 2013 et affichant 529 kilos sur la balance s’avéra un problème insoluble pour Ureña. Obnubilé par sa volonté de citer ostensiblement dans le cacho, Paco ne parvint pas à avancer la main et cita perpétuellement à la hanche, donnant beaucoup de demies passes souvent vers l’extérieur. Aguanter en pareille position la charge incertaine mais lourde de l’Albaserrada s’avéra trop difficile. Au 6, en dépit d’efforts mal employés, Ureña passa à côté de son sujet.
Autre corrida sérieuse, diverse et peu commode, l’ennui n’était toujours pas de mise à Las Ventas.