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Rehuelga, oui mais bon…

Mercredi 07 juin 2017 – Madrid
5 toros de Rehuelga (Santa Coloma) et 1 de San Martín (Santa Coloma) pour Fernando Robleño, Alberto Aguilar et Pérez Mota.


liebre louise de zan

Les toreros des années 1960 – 70 lors de conférences en des temps plus modernes parlaient souvent ainsi de l’évolution du toro de Lidia :  » à notre époque il suffisait de citer une fois pour que le toro viennent trois fois, aujourd’hui il faut le citer trois fois pour qu’il vienne une fois ». Il y a 50 ans, Paco Camino ainsi que les autres vedettes s’envoyait du Buendía et était reconnu comme le spécialiste des courses de Santa Coloma en général.
À lire le programme de la course d’hier en s’asseyant sur le béton en fusion du tendido 6, les augures n’étaient guère engageants : un toro de San Martin complétait et inaugurait la course de Rehuelga cinqueña certes (tous nés en octobre et novembre 2011) mais très diverse de poids, les quatrième et cinquième poussant l’aiguille jusqu’à 608 et 647 kilos respectivement : un peu lourds peut-être pour l’encaste se disait-on.
De fait la course commença dans la douleur avec un toro réservé de San Martin (‘Acompasado’ né en mai 2013 de 532 kilos, numéro 68), un peu volontaire aux piques, tentant notamment de faire le tour du cheval à la première rencontre. Courte charge et rien pour permettre à Robleño d’être en confiance.
‘Guanaguato’, numéro 28 et 527 kilos, poussa à la première pique tombée au milieu du dos (les fameux picadors Sánchez d’Alberto Aguilar !) mais ne s’employa pas à la seconde, légère. Petite déroute au second tiers avec deux passages à faux et intention de raset et mono-banderille. En dépit de sa faiblesse, le Rehuelga humiliait et permit un début de loin, Aguilar ne résolut jamais l’équation codicia plus faiblesse qui resterait le thème de la journée, mal des deux mains, mal à la mort.
‘Perlasnegras’, numéro 22 de 534 kilos, portait admirablement son nom : la perle du lot sans aucun doute, dans le type et harmonieux. Prompt et allègre dans les cites et au cheval, un manque de forces empêchait la transmission dans la charge. Toro éminemment fréquentable et noble, idéal pour au moins entrouvrir la Grande Porte. Las, il ne fit que révéler les lacunes de Pérez Mota, plus habitué aux combats âpres (Ceret 2016, sobrero de Zaballos) qu’à pareil matériau de triomphe. Jamais bien placé, défensif, il ne put lier décemment des séries. Il se fit prendre au troisième assaut à l’épée.
‘Callejero’, numéro 11 et pas franchement un physique d’ailier gauche sortit en piste et visita le ruedo au pas, comme pour confirmer que 608 kilos sont beaucoup pour un seul Santa Coloma. Tardo, il réagit sous la pique (en arrière la première) puis démarra sporadiquement avec vivacité et force dans les cites en humiliant sans toutefois rassurer le matador dans ses intentions. Robleño resta souvent loin et ne chercha pas à lier, il bascula bien sur la corne épée en main. Sept descabellos sous le tendido 6 et silence.
‘Liebre’, numéro 20 et 39 kilos au compteur de plus que son frère sortit fort et suscita des applaudissements pour son physique imposant de toro haut et profond et ses premières courses. Il entra fort à la première pique en mettant la tête fixe dans le bas du peto (pique en arrière…) et démontra de bonnes manières (sans aller a más non plus) en trois rencontres. Voyant les qualités de son adversaire, Aguilar s’en fut brinder au centre et attaqua bille en tête de loin en citant le toro qui partit depuis les planches et le prit au milieu de la première série. Gros coup sur la cuisse sans cornada. Prompt à démarrer, museau au sol, Liebre fléchit plusieurs fois en début de faena mais se grandit au fur et à mesure de la longue faena qui jamais ne décolla. Après avoir photocopié des dizaines de passes des deux mains, le meilleur moment fut en préambule de l’estocade quelques doblones impériaux que le Santa Coloma encaissa bouche cousue. La petite pétition d’oreille fut normalement ignorée par le président qui sortit le mouchoir bleu. La dépouille de ‘Liebre’ fut applaudie et la vuelta contestée à juste titre. En dépit de ses immenses qualités, le fond de faiblesse du toro aurait dû peser lourd dans la décision. La tauromachie-fiction est une belle foutaise mais on imagine le bonheur de voir pareil taureau lidié dans un petit ruedo avec 50 kilos de moins et par de meilleures mains.
‘Coquinero’, seul noir du lot, numéro 10 et 577 kilos prit deux piques et ne fléchit pas. Il s’avéra être le toro le plus vivement encasté et piquant du lot. En ouverture, il imposa à Pérez Mota de supporter héroïquement le poids de sa charge dans la muleta à gauche. Toro trop exigeant pour son adversaire qui ne put jamais se hisser au niveau du combat en restant profilé et mal placé la plupart du temps. De temps à autre, au hasard surgirent quelques naturelles. Probablement épuisé par l’intensité du combat, le matador partit chercher l’épée après quatre minutes à la stupeur générale et sous les sifflets. Il prolongea un peu le combat avant de conclure le gâchis sur un pinchazo et une épée plate.
Le mayoral fut invité à saluer en fin de course.
Il est fort possible que nous vîmes une bonne corrida à l’ancienne du temps où les Santa Coloma étaient déclarés fréquentables par les vedettes. Le lot desigual de présentation et manifestant trop de signes de faiblesse pour pouvoir justifier le salut du mayoral à mon goût fut relativement homogène de comportement et de qualité pour le toreo : noblesse, promptitude et alegría. En particulier les 3, 5 et 6. Le trio de toreros qui les laissèrent passer doivent aujourd’hui avoir le sentiment d’avoir laissé passer une opportunité, un train avec un cortijo et une carrière au bout. Hélas, trois fois hélas !


Photographie gentiment cédée par Louise de Zan.

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