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La marche Radetzky

Vendredi 14 juillet 2017 – Pamplona
6 toros de Miura (Miura) 1. ‘Aguilero’, n° 45, 12/12, 580 kgs, 2. ‘Déjalo’, n° 8, 01/13, 620 kgs, 3. ‘Sobaquero’, n° 26, 01/13, 580 kgs, 4. ‘Nevadito’, n° 57, 12/11, 660 kgs, 5. ‘Hurón’, n° 2, 01/13, 620 kgs, 6. ‘Limonero’, n° 43, 12/12, 635 kgs pour Rafaelillo, Javier Castaño et Ruben Pinar.


Quand elle fut composée en 1848 par Johann Strauss père, la marche de radetzky rendait hommage à un feld maréchal autrichien peu souriant — Radetzky donc — qui avait mis une déculottée aux futurs Italiens à Custoza tout en bourrant le crâne du très jeune empereur d’Autriche, François-Joseph de Habsbourg, de concepts abscons de retour à l’ordre et de centralisme à une époque, 1848, où tous les confrères couronnés faisaient de même parce qu’en politique l’ouverture d’esprit paye bien moins que la médiocrité. Marche militaire de la victoire, ce ronflant déboulé de notes lourdes, sèches, un rien souriantes (c’est Vienne et non pas Berlin) ouvrait pourtant la chronique d’une mort annoncée d’un empire mosaïque qui passa la seconde moitié du XIX° siècle à courir après une grandeur que la Prusse lui confisqua définitivement à Sadowa en 1866.
Quand déboula ‘Limonero’, sixième de cette course de Miura, le ruedo pamplonais était entièrement bouffé par l’ombre. Le jour tirait lentement sa révérence, la Feria 2017 aussi. Comme tous les 14 juillet. Motivé mais trop distant, Ruben Pinar s’accrochait sans éclat pour couper l’oreille de ce Miura noir mais néanmoins fort urbain au regard de son origine. Passée la Ola osasunesque, les sbires chantant du soleil déclenchèrent la marche viennoise revue et corrigée à leur sauce d’ailleurs passablement étalée jusque sur le dernier recoin de leur blouse. Le spectacle demeure hallucinant. Des milliers de gosses enivrés qui se disent au revoir et qu’ils s’aiment dans une cacophonie de cuivres et un patchwork d’allures et de dégaines aux antipodes de celles que les taurins ont coutume d’exhiber.
Sans chercher à trouver des signes dans un monde qui manque d’esprit, souhaitons que cette marche Radetzky n’ébauche en rien la chronique de la mort des Miura. Démesurément longs, démesurément hauts, démesurément armés pour certains et… démesurément faibles pour l’ensemble (à divers degrés). Sans exagérer, il y avait du fonds : tous vinrent avec envie au cheval, certaines premières piques furent fortement poussées, les reins en action, la tête fixe mais rapidement tout le monde avait saisi que les secondes rencontres n’ajouteraient qu’aux statistiques tant il semblait essentiel de les modérer pour que les astados restent debout. Les bêtes blessées sont dangereuses et si les Miura sont connus pour la rapidité de retournement sur eux-mêmes, ici le problème de la faiblesse ajoutait aux difficultés ontologiques des bestioles. Faibles, l’instinct de défense était accentué sans totalement faire disparaître des qualités de noblesse (le 1 ‘Aguilero’) et de charges rendues finalement à notre frustration d’assister une fois de plus à l’effondrement de ces estampes hors du temps mais de plus en plus dans l’air du nôtre, malheureusement — détail anodin peut-être mais l’implantation des cornes en arrière si caractéristique de la maison se fait de plus en plus rare et ce 14 juillet, seul le 6 ‘Limonero’ en portait un peu trace).
Nous n’avions pas goûté les vulgarités de Rafaelillo en 2016, nous ne les aimons toujours pas mais il n’y eut pas que ça en 2017 et le grand petit homme offrit des séquences remarquables à gauche à son premier toro, des naturelles templées et profondes, centrées et conduites d’une main sûre. À son second, ‘Nevadito’, plus compliqué, il se joua la vie après une voltereta en mode fosbury dont l’atterrissage le laissa un moment sonné. Rafaelillo souffle le chaud et le froid sur son toreo : capable de séries remarquables suivies dans la seconde de chiffonnades sans intérêt et superfétatoires.
Javier Castaño était au cartel, comme d’habitude, et s’il donna intelligemment de la distance à son premier (‘Dejalo’), le reste ressemble à ce qu’il fait partout et tout ce reste ennuie.
L’Empire austro-hongrois a mis du temps à mourir, rassurons-nous…

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