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Fratrie

En corrida, l’adage dit que la main gauche qui tue et non la droite. Sans cette conduite de bâbord qui guide la tête du toro, il ne fait pas de doute que la mise à mort serait ou impossible ou la scène récurrente de dépeçages meurtriers parce qu’un un toro ça fonce droit.
Une vache aussi ! Mais en course landaise, les vaches ne sont pas mises à mort. Elles sont trompées. On les feinte, on les écarte, on les fait venir de loin recta et on leur tourne devant la margoulette qu’une corde, la main gauche du matador en somme, aide à s’écarter du corps de l’écarteur. Comme pour la mise à mort du toro, dans la majorité des cas, l’opération de détournement réussit. Parfois non.
Suivre attentivement une course landaise est un exercice oculaire fort complexe. En corrida, le point nodal de notre concentration est un couple qui tend à ne faire plus qu’un. En course landaise, ce couple existe mais a besoin, pour exister le temps d’une seconde (l’écart ou le saut), d’une base de soutien logistique avant et après. La solitude d’un côté, la fratrie de l’autre.
L’entraîneur, derrière une talenquère, place la vache du mieux possible qu’un cordier tient à l’autre bout de la corde, d’où son nom. L’entraîneur, que tout le monde voit mais que tout le monde oublie, a vite fait d’avoir le souffle court. Ça bouge une vache et ça n’obéit pas comme milou à la maison. Le cordier sort du champ visuel lors de l’écart. Il disparaît de la scène alors que sans lui rien n’est envisageable. L’armée de l’ombre ! Derrière l’écarteur, ses compagnons attirent la fougue de la coursière pour qu’elle file droit et poursuive sa course. Une fratrie. Qui s’habille, le boléro accroché au-dessus d’un visage qui se tend peu à peu à mesure que s’égrènent les secondes, que l’heure approche. Qui se lance des vannes. Qui sourit à un appareil photo. Qui cherche ses chaussettes dans les affaires du voisin. Qui se chauffe le corps lardé de cicatrices et maculé de bleus. Ça sent le camphre. Qui regarde dans le vide de longues secondes ; aussi longues que le déboulé d’une vache dans quelques minutes. Qui noue la cravate du copain.
Dans les cours de récréation où vivent des fratries, on joue à la course landaise. Chacun trouve sa place.


Les photographies qui composent cette galerie ont été prises lors du Festival organisé par le Club Taurin de Pesqué d’Orthez le lundi 24 juillet 2017. La ganadería était celle de Michel Agruna et la cuadrilla celle de Christophe Dussau. Un immense merci à tous les membres du Club Taurin du Pesqué (en particulier à son co-président Sébastien Lalanne) ainsi qu’à la cuadrilla.

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