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Solitude noire

Samedi 05 août 2017 – Riscle (32)
6 novillos de Marques de Albaserrada (Dominante Pedrajas) pour David Garzón, Juan Carlos Benitez et Cristobal Reyes.


Appuyé contre le mur de l’entrée principale des mignonnes arènes de Riscle — arènes dédiées à la course landaise — un homme qu’étouffe la foule s’entretient avec sa solitude. À cette heure du jour qui tombe sur un village en fêtes, sa solitude est une nuit sans fin que n’éclaire aucune étoile. La lune encore moins. Ces solitudes là tout le monde s’en passerait. Elles portent en elles les décisions folles, les mauvais conseils ; linceul d’hideuses ténèbres pour toutes les nuits à venir. Ces solitudes là, personne ne peut les partager, en arracher un bout pour soulager l’ami. Rien n’y fait, le noir est mis. La tape sur l’épaule, le regard qui veut dire courage et le sourire mal à propos n’allègent le le coeur lourd que de ceux qui les donnent. Demain, eux, ils y penseront moins.
Les novillos du Marquis d’Albaserrada combattus à Riscle ont tous été mauvais — exception faite de l’allégresse du troisième au premier tiers. Le lot, intégralement issu des deux sementales d’origine Isaías y Tulio Vázquez, a manqué de tout : de bravoure, de caste, de race et de force. Très faibles pour certains, ils n’offrirent au courtois public gersois que la beauté fière de leur entrée en piste. Là, chacun put se délecter de leur trapío parfait et retrouver les lignes fines et dessinées de l’origine Pedrajas. Très sérieusement armés malgré quelques pointes clairement escobillées, les utreros de Mirandilla se dégonflèrent comme des ballons de baudruche dès les premières passes de cape. Les uns après les autres affichèrent leur manque d’envie de charger et de se battre. Rien ou si peu cheval, encore moins lors des troisièmes tiers auxquels ils donnèrent la couleur du ciel : le plomb.
À décharge, les piqueros avaient dû se lancer une sorte de défi à la con du style: tiens qui sera le plus mauvais aujourd’hui. Piques dans les reins, dans les épaules, dans l’arrière de la tête, à côté du toro, ne manquait que la queue.
Face à tant de vents contraires, les trois novilleros du jour ne s’imposèrent pas comme les capitaines du navire. Fades, profilés souvent, lointains parfois, n’émergea de ces flots chaotiques que le volontaire Reyes qui entamait là sa carrière en piquée. L’envie le porte et c’est très bien, le bagage viendra plus tard.
Appuyé contre le mur de l’entrée principale, un homme ému nous a laissés partir pour s’entretenir avec sa solitude noire. Dans notre dos, quelqu’un lui a dit de ne pas lâcher.
Il a réalisé, lui, les rêves de certains d’entre nous.
Au réveil, certains matins, on aimerait que certains rêves se poursuivent. On se creuse la tête pour les récupérer, pour les remettre en route et on est bien.
La solitude noire, celle des nuits blanches, on l’emmerde. Faut rêver.

  1. Anne-Marie Répondre
    Allons ! Un peu d'espoir ! Et dommage, ils étaient bien jolis les bestiaux. Et Laurent, quelle poésie pour nous raconter tout cela. Quant à la solitude, n'en parlons pas. Parfois on envoie des mails et personne ne répond. Comme Gaston et son telephon. Ah, je rigole !

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