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Réveil et courbatures

Lundi 02 avril 2018 — Mugron (Landes)
6 novillos (+ le 1 bis) de Pincha (Domecq par Gerardo Ortega et Marques de Domecq) / Lodosa (Navarra)
Carlos Ochoa, El Adoureño et Dorian Canton (premier paseo en piquée).


Hier je me suis remis à lire les reseñas de la presse locale. C’est la reprise. Ils écrivent que c’était sérieux à Aignan, surtout les Valverde. Je voulais savoir pour Arles aussi. JB a triomphé. Zocato a trouvé ça très beau : l’hommage au père, les symboles, la communion d’un peuple derrière la famille, ce genre de sucreries. J’ai pas lu jusqu’à la fin. À un moment, au milieu d’une phrase, j’ai pensé que je m’en tamponnais de Arles et des triomphes montés en épingle par cette néo afición qui rêve « d’indultos de coeur » pour en remontrer un peu aux antis. Je me suis fait la réflexion qu’il était temps de peler les patates. Et puis c’est loin Arles. Loin dans le temps surtout.

Reprise.

Mugron. 40. Le trou. Je dois aller jusqu’à Tartas. Après, avant Souprosse, je tourne à droite et c’est au fond à gauche même si Emmanuelli est mort. Sur la place dominée par la façade fleurie des arènes, les habituels sont là, le cheveu un peu plus gris qu’hier. L’aficion se tasse et marche moins droit. Elle sort de l’hiver encore toute engourdie de sommeil, gentille en diable mais peu chaleureuse, difficile à chauffer mais facile à convaincre. Elle applaudit cinq des six arrastres des novillos de Pincha, ne cache pas son plaisir des deux oreilles coupées par le débutant Dorian Canton, ne hurle pas aux loups quand surgit l’imprésentable premier qui a le bon goût de s’éliminer contre un burladero. Elle est polie, bien éduquée. Elle baille, la main devant la bouche, elle chuchote, le verbe est discret, pour s’agacer (un peu) des lidias catastrophiques proposées aux utreros navarrais (toros échappés plusieurs fois, multiplication des passes de cape, banderilles aléatoires, mésententes entre subalternes…). Elle s’ouvre pour un nouveau départ, étire ses bras mais quand ils retombent elle recommence comme en 40 et en 17. Elle se chauffe les mains en applaudissant des picadors ou bouchers (piques dans l’épaule, systématiquement en arrière) ou infirmiers. Elle sifflote les cariocas mais pas trop fort. Elle est mal réveillée mais cependant assez pour se dire à elle-même, poliment, sans un mot plus haut que l’autre, l’haleine lourde, que la présentation des novillos de Pincha est bien desigual, parfois insuffisante. Il y a des brochos c’est vrai et ce n’est pas joli mais le bât blesse quant au trapio inexistant : 3 ans peut-être, à peine, 3 herbes non. Sortis eux aussi de l’hiver (rude cette année en Navarre), il manque à ces Pincha la troisième herbe de leur vie, celle qui les fera ressembler à de fiers mâles bravos plutôt qu’à de faméliques quadrupèdes cornus et non achevés.

Comme attablée pour un petit déjeuner qu’elle espère copieux, le ventre grognant, l’aficion, sous l’aube grise de cette fin de journée, prend conscience que, comme partout, le menu s’est uniformisé sur un modèle qu’incarne totalement El Adoureño annoncé comme la nouvelle pépite française polie sous le soleil de la vallée de la terreur l’été dernier. L’expérience est là, elle traîne à sa suite toutes les insupportables scories d’un toreo formaté et sans coeur : trémendisme, parallélisme, usage abusif du pico et des tourniquets à la con qui parachèvent des oeuvres sans relief ni matière. A l’heure du petit déj, on digère déjà mal le dessert annoncé de l’alternative dacquoise de septembre. Sans avoir cassé la baraque, Carlos Ochoa a, par touches décousues, proposé un semblant de profondeur face à des novillos qui dans leur ensemble exhibaient avant tout leur propension à humilier le mufle arc-bouté, le naseau dans le sable – ils purent exprimer cette capacité d’humiliation car ils furent très économisés lors du tiers de piques. Il fallait les contraindre, les obliger, les changer de terrain pour les querenciosos…les lidier. Ochoa le fit bien à son second sur une série de belles naturelles, conduisant la charge longue du début à la fin, surtout à la fin où la sortie était guidée, montrée, imposée (ce que jamais ne fit Adoureño). Dorian Canton débutait en piquée et se montra scolaire ce qui n’est pas une critique en soi. Appliqué, concentré, il s’ingénia à bien préparer ses toques et ses passes. Maladroit parfois, vert c’est certain, il acheva la ripaille « matinale » d’une aficion conquise à son destin sur une gentille note d’espoir pour la suite.

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