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Obri(gado) bravo (II)


Épisode II : Condessa de Sobral (encaste Torrestrella) / Herdade dos Montezes, Baleizão (Beja).


La famille Passanha fait son entrée dans le monde ganadero au mitan des années 1950 lorsque Diogo Francisco d’Affonseca Maldonado Passanha achète l’élevage de Claudio Moura décédé en 1956. Le fer détenu par ce dernier depuis 1936 était celui d’Antonio Soler et il permettait à Passanha de pouvoir lidier en Espagne puisqu’appartenant à la Unión. S’il est indéniable que Claudio Moura apposa sa patte sur l’oeuvre de sélection entreprise par Soler puis par sa veuve, le bétail est passé à la postérité sous l’appellation Soler dont le fondement génétique remontait aux Jijón du Marques de la Conquista via, ensuite, Juan Manuel Fernández, Luis Feliciano Fragoso et Filiberto Mira. Mais ne nous trompons pas : le bétail de Soler puis de Moura et enfin de Passanha fut très régulièrement croisé dès le début du XX° siècle avec des apports plus modernes. La viuda de Soler fit ses emplettes chez le Conde de la Corte ce que Moura poursuivit et amplifia durant son « mandat ». Dans un encart discret publié avant 1949 dans la revue Toros, l’auteur affirme que : « Lorsque Claudio Moura acheta tout le troupeau de la veuve Soler qui paissait dans la province de Badajoz, soit en 1936, année du déclenchement de la guerre civile, et l’emmena au Portugal, la ganadería comportait déjà quatre étalons du Conde de la Corte. Depuis, l’actuel propriétaire se sert comme étalons des meilleurs mâles issus de ces derniers et des vaches ex-Soler. Il a, en outre, depuis peu deux sementales d’Ibarra mais il ne les accouple qu’avec deux vaches, afin d’essayer au compte-goutte les produits ». Les Soler dont Passanha se rend acquéreur sont donc très matînés de Tamarón et bien loin déjà de l’idée que l’on peut se faire de ce que fut un toro de Jijón.

Pour compliquer la donne, et parce que l’omniprésent Conde de la Corte refusa de lui vendre de nouveaux reproducteurs à la fin des années 1950, Diogo Passanha acheta un lot de vaches et deux mâles — ‘Fornalino’ et ‘Biengranado’ — à Carlos Urquijo, selon certaines sources, l’acquisition se fit por sorteo.  Rappelé par dieu ou par l’âge en 1963, le récent ganadero ne profita que très peu de temps de ses bêtes braves dont la survie mérite quelques éclaircissements. En effet, ce sont logiquement ses enfants qui héritèrent du ganado, deux étaient en vie à la mort de Diogo Passanha : Luis Vilhena Maldonado Passanha et Maria Ana Maldonado Passanha. Cheptel brave et terres furent donc partagés mais la gestion du fer s’avéra pour le moins originale. Luis récupérait les purs Murube de Urquijo quand Maria demeurait maîtresse des Soler et du croisement Soler/Murube. Chacun sélectionnait de son côté, chacun avait sa ou ses fincas, chacun suivait son bonhomme de chemin mais tous les toros lidiés l’étaient sous le fer unique hérité du père, celui de Soler, et sous la dénomination des Herdeiros de Diogo Passanha.

Compliquée, et, en l’état, la situation ne pouvait durer. En 1971, frère et soeur rachetèrent le fer de la Condesa de las Atalayas — Maria se chargea seule de retienter tout le bétail d’origine Veragua/Trespalacios et sacrifia tout — et Luis quitta sa soeur pour présider aux destinées de la ganadería de Passanha (le fer de la Condesa de las Atalayas a été changé par l’actuel en forme de P manuscrit) aujourd’hui entre les mains de ses descendants et toujours encastée pur Murube (on s’échange des reproducteurs avec la parentèle de Branco Nuncio). Maria conservait le fer de papa qu’elle fit alors combattre à son nom propre : Maria Passanha.

Avril 1974 : l’oeillet se porte au fusil, y’a plus de mode ma bonne dame ; les toros deviennent un enjeu pour les terres qu’ils foulent et pour les hommes qui voudraient prendre la place. La famille Passanha connaît le sort de ses pairs : on l’exproprie. On sacrifie une grande partie du bétail, surtout chez Maria Passanha. C’est ici, à propos de ces années de plomb pour l’élevage, que la version de Manoel diffère quelque peu de la réalité. Dans un entretien accordé à Pierre Dupuy et paru dans la revue Toros, Joaquim Inácio Passanha Sobral, aux commandes de la ganadería dans les années 1990, témoigne que « ce n’est qu’en 1985 que les fermes nous ont été rendues ; nous avons été les derniers à les récupérer. Ma mère avait laissé 250 têtes ; j’en ai retrouvé une soixantaine. Heureusement, s’ils ont beaucoup vendu, ils n’ont rien acheté ; ce qui fait qu’aucun croisement n’est intervenu autre que le nôtre ».

Quand ils retrouvent l’élevage, dans les années 1980 donc, les héritiers de Maria Passanha changent son nom. Désormais les Soler/Tamarón/Murube sont lidiés sous la bannière plus clinquante de la « Condessa de Sobral », titre nobiliaire porté par leur mère Maria, épouse d’António Braacamp Sobral, 6ème comte de Sobral. Dans le panorama ganadero portugais de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle, le nom des comtes de Sobral est associé à celui d’un élevage demeuré anodin et que les livres anciens annoncent comme vendu en 1907 à un certain João Coimbra. Quand Maria Passanha se lie à la famille Braacamp Sobral, celle-ci n’entretient plus de liens directs avec l’élevage de bravos depuis des décennies.

En 1985, ils sont deux frères sur les sept enfants Sobral à s’intéresser au gado bravo, ce sont les deux derniers de la fratrie : Joaquim Inácio et Manuel Francisco. Les versions diffèrent, mais, sans entrer dans des détails trop intimes, c’est d’abord Manuel Francisco qui prend le commandement du navire familial sous le regard de la Condessa encore en vie. Il est le seul à avoir les diplômes adéquats (ingénieur agronome) pour assurer la gestion de toutes les fincas des Passanha Sobral. Quand décède la dueña, en 1990, le partage opéré en 1991 confie la ganadería du S de Soler à son aîné, Joaquim Inácio qui s’échine durant la décennie qui s’ouvre à reconstruire au mieux l’encaste familial mais qui échoue, contraint de vendre en 2000 à Álvaro Domecq Romero qui lui-même revend en 2015 à l’actuel propriétaire Manuel Vázquez Gavira.

à suivre…

  1. Anne Marie Pioger Répondre
    Laurent, je suis un peu cruche. .... l'épisode 1 il est où ? C'est le texte initié il y longtemps ? Je cherche mais je ne trouve pas. Et pourtant j'ai de la mémoire. ...
  2. Anne Marie Pioger Répondre
    Bon ça y est, j'ai trouvé...

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