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Tout vient à point

Lorsque l’on passe une semaine à voir des Toros à Madrid, la grande question est « va-t-on voir quelque chose ? » À ce titre il y eut des années fastes et des semaines mornes, la San Isidro qui s’achève sera à classer dans le grand néant de l’entre-deux, même s’il y eut de l’intérêt dans la plupart des courses de la semaine. L’immense satisfaction réside probablement dans le fait que le bétail n’est pas à mettre en cause puisque sortirent quelques Toros dignes d’intérêt, matière brute, dont il fallut souvent se contenter d’imaginer les potentiels grands combats qu’ils demandaient et avaient à offrir.

San Isidro donne à toréer, 150 toros environ, notamment à bon nombre de toreros pour lesquels la saison commence à Madrid faute de contrats. Toréer à Las Ventas s’avère souvent une marche trop haute, car avant de se rêver un art le toreo est un artisanat ingrat demandant, en plus de la pratique, abnégation et expérience, un courage insensé.
Les cartels de début de semaine tanguaient rien qu’à la lecture, nous faisant espérer de meilleurs moments avec la venue de quelques toreros plus expérimentés. L’incapacité de Luis Bolivar à exploiter au mieux la corne gauche de Chupetero de José Escolar mardi fit surgir une blague récurrente : « qué venga El Cid !« 

Manuel Jesus de Salteras vint avec la pluie. Nous les attendions tous deux depuis longtemps. Les ponchos de plastique restèrent à portée de main toute la semaine – certains se perdirent en chemin dans le métro – et finirent par sortir au deuxième toro d’Adolfo, Monerías, numéro 1 Cárdeno de 516 kilos né en décembre 2013. Le Cid tenta de lui enseigner les bonnes manières à sa sortie désordonnée sans grand succès mais brinda au public. Cinq passes plus tard, le toro faisait voler par deux fois le matador andalou lui administrant au passage une cornada de 20 cm dans la cuisse. Si le brindis nous étonna, nous demeurâmes a posteriori interdits face à ce début de faena oú le Cid, loin de se doubler pour châtier un toro retors se contenta de prendre la température avec quelques anonymes passes par le haut. Pepe Moral en finit rapidement avec le voyou cornu. Il fallut attendre la deuxième partie de la course pour voir des Adolfo mieux présentés et l’un des meilleurs toros de la feria : Chaparrito, numéro 1, 01/13 549 kilos.

Chaparrito fut prompt à la pique par deux fois, encaissant deux rations de fer, brave aux banderilles, touchant et poursuivant Juan Sierra à la troisième paire. Pepe Moral l’entreprit par doblones efficaces et prit la droite, le toro sembla accuser le coup physiquement. Le torero sévillan enchaîna les séries, donnant la première passe pour rien afin d’enchaîner sur une deuxième longue et templée mais également distante. Il donna une bonne série à gauche quoique peu centrée, revint à droite, puis revint à gauche pour une seconde série médiocre. Dans l’attente d’un peu de toreo, le public fut pris par l’émotion de la charge du toro et l’habileté du matador à embarquer les embestidas. Les échos télévisuels étaient fascinants, le direct avec la chance de jouir d’une légère plongée et d’une perspective supplémentaire depuis les tendidos révélèrent les limites de l’ouvrage. Un pinchazo ferma la Grande Porte avant qu’un grand coup d’épée ne coucha l’Albaserrada. Une oreille tomba et une vuelta fut longuement demandée sans succès. Pour ce faire, il eût fallu peut-être que Pepe Moral jouât le jeu au premier tiers et donnât un peu plus de distance au troisième.

Suite à la blessure du Cid, la corrida se transforma en mano a mano. Angel Sanchez prenait l’alternative ce jour et fut digne et sans panique dans des circonstances pas toujours faciles. Il donna l’impression de ne pas réussir à passer la ligne qui lui eût permis de dominer Mentiroso, toro de la cérémonie (numéro 14, 12/12, 485 kg) , Horquillero (numéro 49, 02/14, 534 kg) et Carpintero (numéro 14, 12/13, 549 kilos) qui ferma le bal. Les 1 et 4 offraient des possibilités de triomphe mais exigeaient en contrepartie des mains plus expertes, peut-on lui en vouloir ? Depuis le Viti en 1961, aucun torero n’est parvenu à sortir a hombros de Madrid le jour de son alternative. C’est probablement l’inverse à Arles et Nimes.

Il me faudra dorénavant bien admettre que j’ai assisté à une bonne corrida d’Adolfo sans remonter à des temps immémoriaux.

Adolfo, le Cid, la pluie… tout vient à point.

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