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Toponymie Gitane

« En passant par le Campo Charro, va chez Hoyo de la Gitana pour faire des photos de mes Toros ».

En trois propositions, deux lignes et une phrase, Michel Bouisseren nous amène à soulever bien des sujets, prenons à rebours. Il m’est arrivé de poser les questions administratives à des organisateurs et des professionnels et invariablement d’oublier rapidement la réponse. À qui les toros appartiennent-ils au juste ? L’éleveur, certes. Quand le transfert de propriété se fait-il ? Si j’y pense je demanderai à nouveau et prendrai des notes. Peu importe. Pour l’éleveur, l’organisateur (passionné) puis le torero une fois le sorteo effectué, ce toro sera toujours le sien, demie tonne mouvante, objet de crainte et d’espoir, de respect et d’admiration. Matière brute, certes, le toro n’a rien d’une chose, c’est même le pire que l’on puisse en dire. De l’éleveur, l’on attend qu’il ait sa ganadería « en main », de l’organisateur les idées claires, le veedor affûté, du torero… tant de vertus.

Entre toutes ces vertus, Laurent Larrieu, dûment mandaté et annoncé dans la campagne salmantine, plus armé qu’un car de Japonais débarquant en Toscane, se trouvait à l’heure de pénétrer dans l’enclos face à la première : la ponctualité. Non pas qu’être à un rendez vous à une heure dite tienne de l’exploit mais parvenir à tirer le portrait de dix novillos mal lunés en une quinzaine de minutes permet de toucher du doigt que les bestiaux ne s’avèrent guère collaboratifs. Une fois de plus, il ne manquerait plus que ça ! Fermeté dans les ordres, diplomatie, gestion du matériel, aguante des chaos… « El 6 ? Vale… paraparapara ! Sí, ya lo tengo, El 8 también ? Sigue un poco pa’lante por favor, aqui sí para ! Bieeeen, ay y ese no quiere, crrrr crrrrr levanta la cabeza coño !« 

De retour du Portugal, qui est à la fois un monde en soi et un ailleurs taurin, revenir au Campo Charro battu et rebattu par mes camarades ne suscitait pas un enthousiasme démesuré, hormis pour Thomas, Saint-Colombophile patenté, sevré pendant 3 jours. Les frères Pérez-Tabernero nous amènent dans un rutilant pickup aux enclos et nous ordonnent de descendre de la remorque. Nous ferons deux voyages, le Santa Coloma n’est pas commode aux champs, oui bien-sûr, il ne manquerait plus que ça également ! « Je vais lui raconter comment on a aguanté le passage au milieu de Murube de Ribeiro Telles dans une remorque de tracteur à ras du sol, moi ! »

Une fois au milieu des novillos, il faut avouer que le Santa Coloma n’a pas son pareil pour faire régner une atmosphère pesante dans le pré. Bien faits, loin d’être démesurés ni armés comme des lanciers de Velazquez, les « Hoyo de la Gitana » illustrent à merveille le concept du regard inquiétant de leur encaste : renfrogné, malin, déterminé, paraissant cogiter sans cesse et déambuler à la recherche d’un mauvais coup. L’on conçoit qu’à l’heure de prendre le thé sur le sable, la gente taurine préfère des compagnies plus amènes.

Une fois débarqués à l’entrée du cercado le long des murs en pierres et sous les encinas, nous devisons avec l’un des ganaderos… Madrid pour un défi peut être, considérations climatologiques, le small talk taurin. « Mais dites-moi, ce nom, Hoyo de la Gitana (trou – usage exclusivement topologique – de la gitane), ça sort d’où ? »
« D’un cercado voisin, à l’époque où les routes n’existaient pas, les gens se déplaçaient par des chemins à travers la campagne, au 19eme siècle, un groupe de gitans passaient par là et une gitane commença à sentir les contractions annonçant la naissance proche. Elle s’arrêta au bord du chemin dans une déclivité où coulait un peu d’eau et donna la vie. Le nom est resté. »
« Intéressant ! Si cela ne vous dérange pas, nous embellirons un peu en écrivant également qu’il s’agissait d’un fils qui devint torero et mourut par la corne d’un toro de Santa Coloma »

Voilà de quoi briller à peu de frais auprès de vos voisins de tendido sur les gradins de Boujan ce week-end.

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