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Why, why, why… i don’t know

Mercredi 15 août 2018 — Tafalla (Navarra)
6 toros de Prieto de la Cal  (Veragua)  pour Joselillo, Gomez del Pilar et Curro de la Casa.

Jeudi 16 août 2018 – Tafalla (Navarra)
6 toros de Aguadulce (Nuñez) pour Miguel Abellán, Daniel Luque et Borja Jímenez.


L’envie est plus forte. C’est comme si à chaque fois on voulait creuser au dedans. Comme si on cherchait ce quelque chose qui n’a pas de nom, qui reste sans mot, ce « je l’ai sur le bout de la langue » mais qui n’existe pas. La force du mystère ou l’attraction du beau. À l’inverse ça fonctionne. L’envie est plus forte. On revient. Dans les lumières déchirantes du soleil couchant, on fait le constat d’une volonté en lambeaux, agenouillée, soumise, battue par cette quête sans cesse renouvelée d’un toro au-dedans duquel on voudrait creuser et fouiller pour trouver sa réponse et donc la nôtre. La question fait peur tant on demeure incapable d’y répondre : je ne sais pas. I don’t know. C’est ce que répondait le géant Saul Leiter quand une journaliste lui demandait mais pourquoi photographiez-vous ?. Pourquoi le peintre peint, pourquoi lui écrit et pourquoi lui danse ? Why why why… i don’t know.

Et l’on sait pourtant qu’au détour d’une porte de toril on trouvera toute la frustration de rendez-vous manqués et de lidias indignes. On revient. On contemple la beauté monarchique du troisième Prieto de la Cal, albahío superbe détruit par un piquero qui sait, lui, ce qu’il fait là : transformer le feu en marbre. Du feu ? ‘Hocicón’ est entré dans le ruedo de Tafalla pour détruire les planches, les hommes, les mouches, la poussière et le bruit. Un puncheur qu’une pique montée à l’envers a fini de punir. Du marbre. Des deux corridas, ‘Hocicón’ ne fut pas le seul à subir pareil traitement. Son frère jabonero lidié en sixième position arborait fièrement ses quatre ou cinq points d’impacts d’où se déversait le sang noir de sa lignée Veragua. Lui n’a pas flanché et a combattu jusqu’au bout comme un gosse de rue, la rage au ventre, la caste en avant. Face à ces deux estampes, Curro de la Casa ne put rien, ne sut rien qu’errer les yeux dans le vague entre la nonchalance et l’effroi — on notera tout de même en guise de circonstance atténuante qu’il s’agissait de son unique contrat de l’année. Daniel Luque torée beaucoup plus que Curro de la Casa mais n’a même pas la politesse de dissimuler son manque d’envie d’être là, à l’unisson d’une cuadrilla dégueulasse — piqueros assassins, multitude de passes de cape dont certaines n’avaient pour but que de casser les toros — et de son compère Miguel Abellán, invité de dernière minute (remplacement de David Mora blessé) et qui devait avoir rencard en Navarre dans la soirée… Tafalla était sur sa route, point. Il y eut du vent c’est vrai, cette troisième corne qui n’engagea à rien et surtout pas à titiller le peu d’intérêt dans les trois tiers d’un lot plutôt bien présenté d’Aguadulce. 

Joselillo, que certains tiennent pour un bon lidiador, a coupé deux oreilles au noblissime mais non piqué ‘Farolero’ après avoir pris un bain de catégorie face au premier Prieto tout noir et exigeant en troisième tiers. Le matador ingénieur a su profité d’une extraordinaire corne gauche qui a valu au Veragua une vuelta al ruedo digne du sérieux d’un indulto dacquois. Le Veragua demeure un sprinter ou un puncheur qui déverse sa bravoure et sa fougue dans les premiers tiers du combat. C’est un toro de trois ou quatre séries. Ça suffit amplement quand on y pense.

On revient. On voudrait creuser. On reste sans réponse. C’est en nous. Ça part pas ! Les années passent. Ça s’accroche. On cherche encore. On ne trouvera pas. Va expliquer ça. Va expliquer qu’un producteur de champagne rêve de péguer des naturelles noyé dans ses rangs de vignes, va expliquer qu’un avocat de la capitale tire des naturelles nu, au réveil, dans sa chambre d’hôtel avec vue sur la mer Égée au mitan du mois d’août. Alors pourquoi ? Why why why ? I don’t know.

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