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L’éternité et Diego

Tudo era apenas uma brincadeira
E foi crescendo, crescendo, me absorvendo
E de repente eu me vi assim: completamente seu
Vi a minha força amarrada no seu passo
Vi que sem você não tem caminho, eu não me acho
Vi um grande amor gritar dentro de mim
Como eu sonhei um dia

Une nuit, deux corridas à Bilbao et trois lignes pour mémoire. Si l’espace m’était compté, je ne parlerais que de Diego Urdiales, pharaonique torero du Nord, souverain aux pieds de cristal, aux attaches fines soulevant la percale, balançant la serge comme l’on imagine manipuler le fil de soie de façon religieuse dans des pays lointains, des époques sans précipitation. Je rendrais un hommage modeste mais total à ce torero longtemps inédit, bâtissant de longues années durant un cartel fragile au fil de courses à quitte ou double et tombé pour d’obscures raisons dans un oubli quasi total cette saison à l’heure d’écrire les affiches. Trois courses, série en cours. Trois courses fin août, mais trois oreilles à Bilbao, nous le lirons partout et cela (l’injustice de la chose) reste anecdotique en comparaison de la félicité dans laquelle le torero d’Arnedo a baigné les arènes de Bilbao une année encore : que son triomphe lui soit profitable s’il existe une once de logique en ce petit monde. A la question « Pourquoi viens-tu encore à Bilbao ? » qui me fut justement posée vendredi, je répondis Diego Urdiales, je le scanderais même désormais si cela ne jurait pas avec la toreria immense et silencieuse qui nous fut exposée sur trois toros. Trois ? La Trinité s’ouvrit au premier tiers du second toro (que de chiffres !) par un quite à la Veronique et demie hiératiques et suaves, comme données du bout des doigts, répondant à un quite du Juli par faroles. Oui, le Nunez parfois se laisse toréer au premier tiers.

Tonadillo, sorti en troisième position, permit au torero de la Rioja de poser les fondations de l’imparfait et inoubliable édifice de son après-midi en Biscaye. Ferme dans une faena inégale en raison des possibilités du toro, l’empaque qui impacte, la pureté des cites et des tracés, le concept assis dans les chaussures, planté dans les talons, vissé dans le sable de Bilbao dont on ne finit de porter le deuil. Diego Urdiales, ude passage à Paris avait glissé en petit comité que selon lui bien toréer c’était toréer avec les zapatillas au sol. La déformation géographique de celui d’Arnedo. Grande épée et oreille.

Gaiterito, fermait l’après-midi et sembla insuffisamment piqué en début de faena, exigeant beaucoup, contraignant le matador à terminer par le haut plusieurs muletazos, compliquant la liaison. Sans mot dire, ni faire cas d’un public venu en voisin pour le soutenir, Diego Urdiales consentit le toro d’Alcurrucen dans les canons de l’art, en avançant la main et déployant un toreo précieux, sec et canonique de ceinture, rematé de façon exquise. Comme souvent, il lui fallut du temps et quelques séries pour prendre la pleine mesure du toro sans toutefois sacrifier l’esthétique. Plutôt droitier au début, quelques remates par changements de main de la gauche firent dresser les tendidos. Une série de la gauche notamment, élégante de toreria, ferme et sans fioriture acheva de dominer le toro qui après avoir rompu commença à se rendre. Sur le chemin de l’abandon, Gaiterito revint aux tercios sous l’assaut de trincherillas et de firmas. A un pinchazo succéda une épée légèrement contraire. Matias Gonzalez sortit un puis un autre mouchoir, validant la sortie en triomphe, reconnaissance d’un toreo cristallin, épuré et sans démagogie aucune, loin des numéros de dressage devenus le vade mecum des sommets actuels de l’escalafon. Tout se discute, naturellement : la piqûre, les scories, le diesel. A l’ouverture de la Grande Porte, la foule rendit le plus grand hommage qui soit en tauromachie, les simples et rythmiques acclamations « Torero ! Torero !« 

Les paroles s’envolent, le toreo reste. Le souvenir va grandissant.

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