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Dimanche de rentrée

La Goyesque d’Arles a rempli les arènes samedi, les « toreros français » sont sortis en triomphe et un toro a eu la Vuelta al Ruedo, « combien de piques ? » Rires dans l’assistance. Nous n’y étions pas, peu importe. Le hashtag #aficionalostoros sous une photo Instagram illustrant le sable peint m’a fait sourire.

Dimanche après-midi depuis l’ombre les gradins du soleil semblaient déserts. Ils l’étaient. Le tableau était plus décent en face, mais l’entrée ne dût pas passer la moitié malgré la qualité du cartel. 6 toros de Baltasar Iban, très sérieusement présentés et allant sur leurs 5 ans (octobre novembre 2013) pour De Justo, Del Álamo et Juan Leal.

Dans l’ensemble le lot afficha des qualités intrinsèques pour des toros bravos : solides, enthousiastes à l’heure de partir pour le cheval, fixes dans les leurres, nobles à divers degrés dans la muleta. Les lots de De Justo et Juan Leal permettaient de forcer toutes les portes de la planète. Il manqua cependant à la course une pointe de suite dans les idées une fois dans le peto ainsi qu’un peu de sauvagerie (de fiereza) pour donner un peu plus d’émotion aux combats. Les toros eurent à supporter des assassinats en règle au cheval.

La course s’ouvrit avec le toro avec le plus de personnalité : ‘Mejicano’, numéro 36, 555 kilos, haut et noir, que De Justo reçut en gagnant le centre sans se laisser impressionner au capote. Lidia approximative, toro saigné à souhait (le leitmotiv de la corrida, donc). De Justo opta pour une faena longue et distante, gâchant une embestida se prolongeant loin derrière la passe. Superficiel, il eût coupé quelque chose s’il n’avait lamentablement échoué à l’épée, frôlant le troisième avis comme le toro la décapitation sous les coups de descabellos.

Le quatrième s’appelait ‘Bastonito’, portait le 11, un pelage castaño à faire frémir les collectionneurs et portait beau ses 535 kilos. Excellent toro pour la pratique du toreo sur le coup de 18h30 au bord du Rhône en période de rentrée des classes, il permit de constater le mauvais concept de De Justo : parallèle, lointain, hurlant et donnant du pico sur les deux mains. De la confiture aux cochons… mort laborieuse (disons le une bonne fois pour toute : pas une seule épée de l’après midi, désastres en tous genres).

Engagement relatif également pour Juan del Álamo qui ne semble pas dans la forme de sa carrière : parallèle, emprunté, il se coltina le lot le moins propice de l’après midi. Le président imposa une troisième pique au 2, ‘Sartenero’, au grand dam de la cuadrilla (le toro avait largement eu son compte en deux rencontres) : conséquence ou non, le toro ne donna guère de jeu et ne dura pas. Le 5, ‘Santanero’, était la mauvaise pioche de l’après-midi, sans alegria et aussi peu de fond que le matador salmantin semblait avoir d’idée (début à genoux vraiment vilain), on passera.

Juan Leal a le mérite d’accepter le chemin des corridas difficiles (celle-ci ne l’était pas outre mesure) pour accéder à son rêve de devenir figura. Il semble aussi arborer les pilules qui vont avec dans la taleguilla. Soit. Il lui échut un lot varié : ‘Camarita’, castaño bragado et numéro 7 en premier lieu manqua de personnalité et de sauvagerie mais accepta que le matador lui fît tout ce qu’il avait vu auparavant sur YouTube, Canal Toros et PornHub. Fixe et noble, il endura et nous avec tout ce que la modernité a produit de mauvais goût dans le toreo : jambe contraire systématiquement en arrière, toupie sans fin, cambio, devant derrière, entre les jambes, redondo inversé de rigueur, bernardinas réglementaires… le plus grand chapiteau du monde jusqu’à l’heure de monter l’épée pour l’estocade la plus scandaleuse de la temporada (pas préméditée ou alors c’est un suicide) qui nous épargna le triomphe annoncé.

En second lieu et fermant l’après-midi sortit le numéro 22, ‘Tesugo’, noir de cape et d’âme, manso, violent, agressif au cheval : enfin un peu de méchanceté qui sema une honnête pagaille aux deux premiers tiers. Pas impressionné pour un sou, l’Arlésien le mit dans sa muleta en quelques passes et se régala à se mettre entre les cornes et autres plaisirs solitaires. Nouvelle mort laborieuse ou quand le fer vous prive d’un tour d’épaules.

Les échos de la corrida du même fer à San Martin de Valdeiglesias ce même jour semblent évoquer plus d’étincelles, de bravoure et d’enthousiasme de la part du bétail. À Madrid, les mayorales de Valdellan et Saltillo durent saluer devant une maigre entrée àla fin d’une après-midi qui, selon les avis certifiés de quelques personnes, vit une grande course de toros. On entend parler d’une oreille à Cristian Escribano coupée sur le seul coup d’épée, d’un Robleño retrouvé face à un superbe berrendo de Valdellan et d’un public refusant le brindis de Venegas suite à un assassinat en règle au cheval. Music to my ears.

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