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Obri(gado) bravo XII


Épisode XII : Infante da Camara >>> Santa María (mélange de plusieurs lignes Parladé et Murube élevés séparément).


Une fois la part d’António vendue (1951) à Alberto Cunhal Patrício, ne subsistaient alors que deux lots dans le giron des héritiers d’Emilio (hijo) Infante da Câmara : ceux de Emilio et de Fernando. Hélas pour la famille, aucun des deux frères restant ne montra l’appétence nécessaire à la conservation de l’héritage bravo. Le second à se défaire de sa part fut Fernando Centeno Infante da Câmara en 1961 au profit d’un homme dont le patronyme est une invite à l’exotisme et à la déambulation tant historique que taurine : Francisco Vaz Monteiro de Goes du Bocage. 

Le siècle achevait de régler ses comptes avec le premier conflit mondial quand naquit Francisco de Goes dans une famille dont les arcanes généalogiques remontaient au XIV° siècle dans la petite noblesse des environs de la cité d’Alenquer. Du classique en somme pour un cacique. C’est justement à l’époque classique qu’il convient de bloquer le curseur de notre remontée du temps pour s’ébrouer dans le charivari géopolitique européen que fut la Guerre de succession d’Espagne au tout début du XVIII° siècle. Pour faire court et même si le raccourci est ennemi de l’Histoire, à l’extrême fin du XVII° siècle, une inquiétude sourde ronge l’Europe des rois qui ne regardent plus que vers l’Espagne de Charles II de Habsbourg, le faible Charles II, terminaison débile d’une « race » aux abois, celle des Habsbourg ; roi qui, depuis le berceau, n’a d’avenir que dans la mort. Car Charles II doit clamser, c’est prédit, mais fichtre il met du temps et c’était pas prévu. On s’entend, on traite, on palabre, on prépare le partage à venir car l’héritage ouvre l’appétit des monarchies voisines qui se voient bien, toutes ou presque, dévorer le fabuleux gâteau hispanique décoré des ors de l’Amérique et nappé du sucre de ses produits outre-Atlantique. Mais Charles II s’en mêle. Le 2 octobre 1700, son testament offre la couronne d’Espagne au Duc d’Anjou, deuxième petit-fils de Louis XIV qui oublie lui, le bougre de vieux renard, de rayer son descendant maintenant roi d’Espagne (Philippe V) de la liste des prétendants à la couronne de France. Bref, au jeu du plus fort, c’est la France de Louis Capet quatorzième exemplaire du prénom qui emporte le dessert. L’Espagne se donnait aux Bourbon et en pareil cas, il est toujours jalousies et rancunes pour gâcher la partie de plaisir. Les frustrés se coalisent dans la Grande Alliance de La Haye (Angleterre, Provinces-Unies, le Saint-Empire, une pincée de princes allemands et le Danemark) que rejoint vite le Portugal pour soutenir son allié anglais. Bref encore, après de nombreuses déconvenues, le bloc franco-espagnol met une raclée à la coalition lors de la bataille de Villaviciosa en décembre 1710. Les ardeurs des alliés nordistes sont rafraîchies puis même douchées après les exploits de nos corsaires français au Brésil en septembre 1711. Oui au Brésil et plus précisément à Rio de Janeiro ! C’est de là que l’or découvert au Brésil, alors colonie portugaise, dans l’ultime décennie du XVII° siècle était embarqué pour Lisbonne sous escorte maritime anglaise. La lecture de plusieurs historiens à propos du règne de João V est édifiante à cet égard : le monarque mécène, frileux ou sans vision d’avenir, ne sut pas profiter de la manne aurifère venue d’Amérique qui fut promptement siphonnée par les British. Louis XIV le savait et frapper Rio, c’était frapper le Portugal, certes, mais c’était surtout mettre un coup derrière la tête de la perfide Albion. Bref une fois de plus, le 21 septembre 1711, l’ex-corsaire René Duguay-Trouin, pour le compte de la monarchie française, prend la cité de Rio et l’or qui va avec : 1,35 tonne. Fuck les buveurs de thé. L’évocation de cet épisode de la Guerre de succession d’Espagne est aujourd’hui anecdotique mais il permet d’introduire dans le fil de notre prose le personnage haut en couleurs que fut Gilles de Hédois du Bocage, corsaire français finalement rallié aux Portugais en 1704 puis dans la défense de Rio en 1711 — défense commandée par Gaspar da Costa Ataíde — et dont il est aussi fait mention lors de la bataille qui vit la victoire des Portugais sur les Turcs au Cabo Matapan en 1717. On le retrouve à Lisboa dans les années 1720, marié à Clara Francisca Lestof, la fille du consul hollandais Leonardo Lestof. A priori, il mourut sur les bords du Tage non sans avoir au préalable assuré sa descendance qui n’a conservé du patronyme que le Bocage final. Dans sa filiation émerge un petit-fils, auteur, penseur, philosophe, poète un rien libertin voire « licencieux » inscrit aujourd’hui au panthéon des Lettres portugaises : Manuel Maria Barbosa du Bocage (1765-1805).

Francisco Vaz Monteiro de Goes du Bocage porte cet héritage par le côté paternel. Versant maternel, ce sont les toros qui dominent, bien plus que la flibusterie ou la littérature. C’est donc en toute logique que lorsqu’il décide de fonder un élevage de toros de combat en 1945, ce torero à cheval amateur se tourne vers la famille cousine des Vaz Monteiro à qui il achète des sementales pour couvrir des vaches de casta portuguesa. L’entreprise menée par cet ingénieur agricole féru de généalogie ne fait pas florès et c’est la raison qui le pousse à changer totalement de cap en 1961 : il élimine le vieux sang portugais et rachète la part de Fernando Infante da Câmara. Selon diverses sources, au cours des années suivantes, son travail de ganadero consista à introduire des bêtes venues de chez Cunhal Patrício et Pinto Barreiros. 

à suivre…

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