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Obri(gado) bravo XIII


Épisode XIII : Infante da Camara >>> Santa María (mélange de plusieurs lignes Parladé et Murube élevés séparément).


Il s’est excusé la veille au téléphone. Maintenant vieil homme, il se sentait fatigué, un rien malade, et ne pouvait honorer notre passage de sa présence. La voix était posée, extrêmement cordiale et colorée de cette douceur caractéristique de l’accent que prennent les mots français dans la bouche de certains portugais parfaitement bilingues. L’administrateur de la finca se chargerait de nous recevoir de la meilleure manière possible. La finca est belle, vous verrez. La herdade do Zambujal do Conde, c’est la finca, se dérobe au bitume et aux panneaux de signalisation à un jet de pierres d’Evora, accessible au terme d’un dédale de pistes poussiéreuses et abîmées par la ronde sans fin des saisons.

Francisco José Braamcamp Lobo de Vasconcellos est le propriétaire de la ganadería de Santa Maria depuis 1984 date à laquelle ce descendant de la famille des comtes de Sobral rachète l’élevage – ou une partie car on continue de trouver des références sur une ganadería Goes jusque dans les années 2000 – que Francisco Vaz Monteiro de Goes du Bocage dirigeait depuis 1961 et son rachat de la part de Fernando Infante da Câmara. Très croyants, Francisco Lobo de Vasconcellos et sa femme renommèrent l’élevage du nom de la Vierge et élirent un fer en accord avec leur intense foi : des cercles qui rappelaient les auréoles de la mère de Jésus surmontés de la croix de la Passion. L’hommage à Marie ne fut complet qu’après le changement de la devise qui devenait céleste et blanche. Pour faire court, l’élevage racheté à Francisco de Goes s’offrait une virginité, Avé Maria ! mais une virginité somme toute d’apparat car en ce qui concernait les origines des toros, la famille Lobo de Vasconcellos conservait la ligne Cunhal Patricío voulue par Goes qu’elle comptait cependant mener en parallèle de bêtes achetées à João Moura et de sang Murube-Urquijo. Dans un reportage que feu Filiberto Mira publia dans la revue Aplausos en 1987 est fait mention de quelques cas de berrendos présents dans la camada ; présence explicable selon le journaliste par le fait qu’à l’intérieur du bétail de Moura (bétail lui-même issu de celui de Maria Manuela Andrade Salgueiros) s’étaient dissimulés quelques rejetons d’origine Soler (base Jijón croisée de Parladé) assez fréquente au Portugal et offrant parfois le bonheur de pelages plus variés comme ces énergumènes à l’allure de pies. Ganadero scrupuleux, Francisco Lobo de Vasconcellos poussa le détail jusqu’à poser des crotales de couleurs différentes en fonction de l’origine Goes donc Cunhal ou Moura donc Murube.

Les deux sangs continuent de vivre côte à côte sur les rondeurs fleuries de la herdade do Zambujal do Conde qui n’affiche plus le lustre auquel elle semblait prévaloir il y a trente ans. L’herbe a poussé dans la placita de tienta, le personnel décrit avec bonheur par Filiberto Mira a réduit comme peau de chagrin et la ganadería ne s’exporte plus, à l’image de tant d’autres voisins. Les miracles sont rares. Dans l’univers des toros aussi. Depuis sa création dans les années 1980, l’élevage de Santa Maria n’a jamais été un parangon de démesure : 253 têtes en 1987 soit une trentaine de mâles entre novillos et toros. De visu, le chiffre a peu évolué ou a légèrement réduit peut-être. Aucune démesure non plus dans la présentation des toros de saca. Dans le touffu jargon que la tauromachie a offert à la langue castillane, pour la fleurir, le mot bonito est un des préférés des toreros, mot rassurant quand le peón de confiance explique à quoi ressemble le lot de l’après-midi, mot euphémisme lorsque les turpitudes du mundillo vendent des vessies pour des lanternes comptant sur le miracle de l’aveuglement. Au campo, le bonito est ce toro sans excès aucun, ni de tamaño ni d’armures, c’est ce toro medio que vous trouvez joli, mignon, agréable, « bien fait », ce toro qui finalement ne fait plus peur à vingt mètres, qu’on ne regarde plus à cinquante, que la mémoire renie dans l’heure. Mais j’exagère ! Dans les herbages exubérants des cercados violets, les toros de Santa Maria sont bonitos et majoritairement murubeños. On les aurait oubliés dans l’heure, c’est un aveu, mais c’eut été sans compter sur cet arrière-plan dans lequel des fleurs blanches pointillistes devenaient la nuit étoilée d’un ciel azur parfait. Un miracle, pas moins.

à suivre…

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