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Paillettes camperas

La langue française est un trésor. En elle survivent des mots dont les sonorités exhalent les saveurs poussiéreuses de voyages du bout du monde, la beauté « sépiacée » de photographies oubliées, retrouvées et que l’on effleure du bout des doigts. L’oxymore est de cette famille, de cette trempe !

L’oxymore (de oxumôron en grec : oxu / aigu, spirituel et môros / épais, sot) est un oxymore ! Donc un autologisme. Il se décrit lui-même ce qui n’est pas chose aisée, chacun le sait qui cache sa part d’ombre et de déraillements mesquins. L’oxymore réunit deux termes de sens contraires à l’intérieur d’un même syntagme (oui, un syntagme !). C’est une figure de style qui surgit où l’on ne l’attend pas, une facétie d’auteur qui trouble la surface de l’eau tout en montrant la beauté du lac. L’oxymore c’est les « tendresses bestiales » de Rimbaud, la « boucherie héroïque » de Voltaire, le « soleil noir de la mélancolie » du Desdichado de Nerval. C’est la « petite grande âme » de Gavroche ou la « folle sagesse » de Horace.

Quelque part, si l’on creuse, la tauromachie trimballe en son cœur une substance oxymoronique qui met en valeur sa beauté : ombre soleil, toro noir fils d’or, vie mort, d’autres. On pourrait fouiller, en trouver de moins glorieux à l’image du milieu taurin actuel.

Mais on se contentera de cette photographie oxymore. Cela ne saute pas aux yeux car qu’y-a-t-il d’oxymoronique dans telle scène ? Un torero, même retiré, même un peu plus vieux, tire une passe à une vache dans une arène de tienta. La normalité de l’hiver dans une media au cordeau. Mais le torero est Javier Conde et si les tenants de la statistique s’en donnaient la peine, on parierait une fortune qu’ils ne trouveraient que de bien chiches références de corrida au cours de laquelle Javier Conde affronta un jour des toros de… Veiga Teixeira ! Car la photographie a été prise à Pedrogão, Lavre, Alentejo, chez António Francisco Malta da Veiga Teixeira, éleveur de toros de combat dont la réputation jamais ne fut fondée sur les caractéristiques des machins que Conde affrontait. Paillettes camperas. Cosas de toros !

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