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Obri(gado) bravo XVI

Nous avions fini par écrire « fin » mais ça ne s’arrête vraiment jamais. Alors nous avons repris la route, toujours aussi émerveillés et bercés d’illusions par ce campo portugais mal connu que nous nous proposons de vous raconter un peu dans cette suite de la série Obri(gado) bravo. On y repart !


‘Pinochet’ est mort hier. Il est mort après avoir livré le combat que tout le monde attendait de lui, c’est-à-dire celui d’un toro élevé pour mourir dans l’arène. Il est mort à Moura, en plein Alentejo, au Portugal. ‘Pinochet’ portait le numéro 50 et sur son flanc arrière droit pouvaient se lire les deux lettres de son troupeau : AS pour António Silva. Il avait été sobrero de la corrida du même fer combattue à Campo Pequeno quelques semaines auparavant, était revenu humer la poussière de sa terre natale, à Coruche, puis il est mort hier à Moura, en plein Alentejo. ‘Pinochet’ porte un nom étrange pour un toro de combat. Il lui vient de sa mère comme souvent dans les élevages de toros de combat. Du Chili auquel on pense à l’évocation de ce patronyme demeure à peine le souvenir de jours naissant dans les brumes pastels des bords du Pacifique. Il est loin d’aujourd’hui le Chili et sous les pins parasol de la herdade Sesmarias do Pinheiro de la famille Silva, c’est le soleil attilesque du milieu de journée, celui qui se couchera ce soir sur l’Atlantique, qui dicte sa loi, impose son humeur, réalise son coup d’état quotidien. Les petits frères de ‘Pinochet’ dissimulent leurs carcasses de grands dans l’ombre bienvenue et, formant contraste avec le vert de l’herbe baigné de trop de lumière, leurs cornes font l’effet d’un Himalaya de pics acérés, inviolables. Ils combattront bientôt à Boujan-sur-Libron et ne sont pour l’heure que de mystérieux numéros : 85, 84, 90, 89, 100, 78… le campo est un mystère.

Le Portugal a chaud depuis des semaines. Il manque d’eau. C’est l’antienne que tous nous servent à l’heure du café. Chaleur, réchauffement, équilibre instable. D’Odemira à Portalegre, de Coruche à Monsaraz, la terre sèche, le printemps crève sans avoir touché du doigt l’adolescence, l’été emporte tout, déjà. Et puis les temps sont durs. Les toros ne remplissent pas ou plus, ils se vendent pour pas grand-chose, le public vieillit, les antis s’éveillent, le moral s’éteint. Les herdades conservent les cheptels braves par tradition familiale et par afición. Les camadas sont au régime, on élimine et ne survit que le strict nécessaire pour équilibrer des comptes aussi sensibles que la flamme d’une bougie dans la fine brise du soir. D’ici à là c’est cette rumeur qui escorte comme la fumée d’un feu jamais éteint, prête à mordre comme un animal blessé. Mais si le discours inquiète ou attriste parfois, l’accueil enchante autant que s’il s’était agi de retrouver de vieux amis après une trop longue absence. Derrière le pessimisme, la petite flamme reprend de la vigueur, l’œil s’allume, le verbe s’image et se conjugue soudain au futur. Reprenez-en! Servez-vous ! Revenez vite ! Le campo est un mystère. On replonge.

Vous pouvez retrouver les photographies des novillos de António Silva et Veiga Teixeira qui seront combattus à Boujan-sur-Libron les 29 et 30 juin 2019 sur le site : Afición Torista Boujan

à suivre…

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