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Les godillots de la vierge

Les éditions Seguier ont récemment entrepris d’offrir à leurs lecteurs des ouvrages oubliés et parfois même totalement ignorés par le monde de l’édition français.
Ce fut le cas notamment d’une biographie d’Andy Warhol (Holy terror) écrite par son plus proche collaborateur, Bob Colacello, publiée aux Etats Unis en 1990 mais jamais traduite jusqu’alors. Etonnant.
Plus récemment c’est la biographie de Charles Manson que l’éditeur vient de faire traduire (Charles Manson par lui-même) qui fut écrite en 1979 par Nuel Emmons un compagnon de prison du Manson. Fascinant.

La maison Atlantica, petite sœur de Seguier, vient de rééditer un texte, « taurin » celui-là : les Godillots de la vierge écrit par Earl Shorris et devenu introuvable.
Il semble que l’ouvrage soit culte. J’avoue en avoir tout ignoré jusqu’à cette réédition récente.
Dès les premières pages il est impossible de lâcher le bouquin, et il est presque tout aussi impossible de résumer l’histoire de Sol Feldman dit « El sol », un juif américain qui veut devenir torero sans en avoir le talent et la lucidité nécessaires.
Il faut dire que le texte n’a absolument rien de rationnel et pourrait faire l’objet du dixième et dernier film de Tarantino tellement l’ambiance oscille entre l’improbable, le presque glauque, le délirant, le joyeux ou le loufoque.
« Les Godillots de la vierge » est l’histoire d’un matador américain promis à une mort certaine à l’occasion d’une corrida qui lui a été proposée par un gros enculé de directeur d’arènes qui parie sur la mort quasi annoncée du matador. Di Caprio serait parfait dans le rôle du directeur d’arènes.
Rien d’homophobe évidement dans cette remarque de supporter de foot, certes totalement déplacée. Mais faut dire que le type est une vraie ordure et que le politiquement correct n’est pas particulièrement à l’ordre du jour des Godillots de la vierge, ce qui en est absolument réjouissant, rafraichissant, pour ne pas dire jouissif.
Homosexualité, franc maçonnerie, un rapport plus qu’étonnant à la prostitution… une conception sui generis de ce que doit être le courage, tout y passe et j’en oublie. L’amitié curieuse et improbable de El Sol avec un cafard ponctue l’évolution du récit de « dialogues » étonnants.
L’utilisation en toile de fond de la tauromachie pour un roman n’est pas chose aisée tant il est facile de rapidement se perdre dans les clichés, le pittoresque et très vite le fade et l’ennuyeux. Les Godillots de la vierge ont cette particularité de réussir le tour de force de nous amener justement bien au-delà, très au-delà du folklore taurin primaire et coloré.
Et ce n’est pas la moindre des qualités du roman de Earl Shorris qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

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