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Obri(gado) bravo XXXIX


Épisode XXXIX : Irmãos Dias (Casta portuguesa via Norberto Pedroso) – Herdade de Aroeira, Santo Estevão.


Les toros des Irmãos Dias sont très majoritairement cárdenos et quand on questionne sur leurs origines, un nom revient sans cesse et met fin à la discussion : Norberto Pedroso. Comme ce fut le cas quand il s’est agi de reconstituer la genèse des Vale do Sorraia, ce patronyme constitue une aporie qui ne tolère aujourd’hui que supputations ou hypothèses plus ou moins crédibles. Qu’il me soit permis de reprendre ici ce que j’écrivais il y a quelques années sur cet éleveur du début du XXème siècle apparenté, et c’est peut-être de là que certaines réponses peuvent voir le jour, à la famille des Infante da Câmara.

 » En 1904, Norberto de Vasconcellos Mascarenhas Pedroso épouse une certaine Isabel Mota Infante da Câmara, fille d’Emílio Infante da Câmara, ganadero de Santarém reconnu dans tout le Portugal — il faut croire que les mariages aident à élever des toros. Évidemment, Norberto Pedroso fonde son cheptel à partir de celui du beau-père, qui lui vend ou lui cède une trentaine de ses vaches que Pedroso offre en petit-déjeuner à deux sementales de Casa da Junqueira (casta portuguesa) et/ou du même Emílio Infante da Câmara. C’est le début du siècle, et les ganaderos portugais goûtent encore diablement les mélanges détonants ; et l’élevage d’Infante da Câmara n’échappe pas à la règle, loin de là. Emílio Infante da Câmara hérite de la ganadería de son père, Emidio, en 1875, ganadería à propos de laquelle il est complexe de trouver des informations un tant soit peu approfondies. Dix ans plus tard, il mélange le troupeau paternel à celui que sa femme, Emília da Mota, reçoit à la mort de son père, José da Gaspar Mota, dont les bêtes provenaient de Rafael da Cunha. Antonio Martín Maqueda précise que, en 1902, furent combattus, à Lisbonne, dix toros d’Infante da Câmara, « cuatro de la antigua raza portuguesa destinados a los rejones, y seis de la nueva casta que está afinando y de la que es semental un toro de Palha Blanco ». Mélange peut-être, mais mélange contrôlé et savamment orchestré par Emílio Infante da Câmara qui cherchait certainement à construire un élevage digne de ses voisins espagnols.

Quelle ligne fut offerte ou vendue à son gendre Norberto Pedroso en 1911 ? La portugaise ou les rejetons de ses essais avec le Palha Blanco ? Aucune référence bibliographique n’apporte de réponse satisfaisante. En soi, cela n’a que peu d’importance d’éclaircir cette énigme en ce début de XXIème siècle. Toutefois, si l’élevage de Norberto Pedroso n’existe plus, car vendu en 1976 à José Luís Pereira Dias, certains élevages actuels de la cabaña brava portugaise y rattachent leurs origines. Il s’agit des Irmãos Dias, fils de José Luís Pereira Dias, et de Vale do Sorraia. Si les robes des toros présentent beaucoup de similitudes dans le cárdeno, il n’en reste pas moins que le Dias reste un toro de volume réduit et dont les têtes rappellent la caste portugaise, alors même que les Vale do Sorraia, malgré quelques caboches clairement portugaises elles aussi — particulièrement chez les vaches —, donnent à observer des corps de vrais taureaux de combat : bas, musculeux et enmorrillados.

En les observant, il paraît clair que l’origine Norberto Pedroso n’a pas évolué de la même manière chez l’un et chez l’autre. Sélection de ganadero ? Il est difficile de le croire tant les différences sautent aux yeux. […] Dernière question pour clôturer cette digression sur les Vale do Sorraia : si l’on s’en tient aux origines établies des Norberto Pedroso, en 1911, il apparaît étonnant de trouver dans cet élevage des robes cárdenas. Or, le point commun essentiel entre les Dias et les Sorraia est justement ce pelage (souvent claro) des animaux dont on peut se demander d’où il provient. Aucun ouvrage ne fait mention d’un apport Saltillo ou Santa Coloma dans l’élevage de Norberto Pedroso. Des esprits tatillons pourraient souligner que la robe cárdena faisait partie de l’échantillon classique des vazqueños à une époque — c’est quasiment une rareté aujourd’hui —, et ils auraient raison ; mais la proportion est allée en s’amenuisant avec le temps, et l’on peut avancer sans trop se tromper qu’un ou deux éléments vazqueños (ou croisés) cárdenos n’auraient pas essaimé leur robe sur l’ensemble du cheptel.

La réponse la plus logique à cette autre énigme reste l’apport extérieur de bêtes certainement asaltilladas dans la ganadería de Norberto Pedroso. À quelle époque ? Par quel biais ? Dans quelles mesure et ampleur ? À ces questions, seul répond le secret du ganadero, et l’aficionado n’a que d’évanescentes supputations à proposer. La plus intéressante est de suivre la piste familiale. Époux de la sœur des héritiers Infante da Câmara, pourquoi ne pas imaginer que le sieur Pedroso s’en fut trouver ses beaux-frères, Emílio et José, lorsque ceux-ci tentèrent dès la mort de leur père (1923) un croisement avec un semental de… Saltillo ? Au-delà, il ne reste que des conjectures « .

Le toro des Irmãos Dias est étrange, visuellement parlant, bizarre même. Il ressemble à un toro de combat, le fait est indéniable, tout en se tenant éloigné du type de toro que l’on voit combattre actuellement dans les ruedos. L’insertion et le développement des cornes sont très particuliers, la corne semblant former une sorte d’angle — mais le mot n’est pas adéquat — dans sa partie incurvée. La tête témoigne d’une rusticité bourrue avec un front large qu’accentue la señal radicale de l’élevage qui ouvre l’oreille en deux donnant l’impression d’une blessure pendante et mal soignée portée par l’astado comme une balafre le serait par un pirate fier d’exhiber une vie de larcins. On retrouve une señal assez proche dans la ganadería de Raso de Portillo. Le corps est de tamaño plutôt réduit et l’ensemble est relativement bas. Broutant aux côtés des Murube du fer de Felicidade Dias – Murube via Andrade Salgueiro- et des Tamarón (Alves do Rio) / Pinto Barreiros de celui de José Luis Pereira Dias, l’Irmãos Dias dénote à la manière de vieux arbres tordus et sans âge autour desquels on aurait planté de jeunes pousses pour régénérer la terre.

à suivre

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