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Est-Ouest

Plus à l’est, rien de nouveau. Plus de campo, plus d’élevages de taureaux braves, c’est la frontière de l’empire, le limes du toro bravo. Ici, c’est Eyguières, l’est du Sud-Est taurin. Après c’est la Provence, et très loin l’Italie et au bout du bout la Turquie, l’ancienne Byzance, les chemins de croisades, les querelles d’églises, les fâcheries monothéistes que l’on croirait d’un autre temps. La Turquie, l’ottomane, celle dans laquelle régnait « l’affreux despotisme » de L’Esprit des Lois de Montesquieu, c’est cet est vers lequel se seraient rendu les ancêtres ; cet est troublé de guerres de religions duquel le patronyme de Turquay est né au monde. Alors, pour cette raison, ça tombe bien que la ganadería de Turquay soit la plus orientale du continent, la plus à l’est, la plus lointaine. Et comme si cela ne suffisait pas pour se singulariser, la famille y défend un sang un rien exotique en comparaison de la dominante Domecq qui tient la région. Les Turquay — aujourd’hui c’est Emmanuel Turquay qui mène la croisade — sélectionnent des Santa Coloma, ces petits gris énervés auxquels on ne la fait pas. À l’origine, le Turquay est du Pablo Mayoral dans lequel le Santa Coloma cohabitait avec une pointe de Veragua. Mais petit à petit, le projet est de faire absorber cette genèse par une ligne Buendía plus pure achetée directement à la maison mère, chez Joaquín Buendía, au Sud-Ouest de l’empire. La croisade est en marche sur les terres d’Eyguières et les moines-chevaliers portent la bure cárdena qui a fait la réputation de la Casa Buendía. Emmanuel Turquay a conscience que la route sera longue, semée d’embûches et parcourue de tous ces aléas qui font les souvenirs et écrivent l’histoire.

Fin août, le Cercle Taurin Tyrossais fêtait son cinquantenaire sous les ombres vintage des vieux platanes qui couvent les arènes. Pour cette occasion, le quinquagénaire avait organisé une novillada non piquée sous forme de desafío ganadero entre Turquay et le récent fer très domecquisé de la Espera (Cagnotte – 40). Et si tout ne fut pas parfait — on peut regretter par exemple la noblesse un brin sosa d’un des Santa Coloma —, nous vîmes pourtant ce jour de réelles lueurs d’un espoir porté fièrement par le premier novillo qui fut combattu — très mal par un novillero totalement débordé et déjà peu habitué à ce genre d’adversaire. Extrêmement asaltillado de type, armé large et fin, le Turquay afficha une caste de tous les instants, une envie d’en découdre le couteau entre les dents, le museau bavant, le poil frétillant. Planté au centre du ruedo, la tête haute, il défia tout le monde, disposé à défendre dans le sang la forteresse assiégée de sa caste.

Longtemps et sagement abonnée aux novilladas sans picador, la ganadería s’ouvre cette année à de plus âpres combats piqués. La croisade, c’est la guerre après tout ! Après un toro à Saint Martin de Crau — resté inédit semble-t-il — c’est ‘Ibarreño’, n° 836, cárdeno, qui représentera le fer de Turquay lors de la novillada-concours organisée par la Peña Los Arsouillos le dimanche 17 octobre 2021 à Aire sur l’Adour. Décidément, c’est l’occident qui ouvre les bras aux Turquay, puisse-t-il y avoir du nouveau à l’ouest !

Retrouvez une galerie consacrée à la ganadería de Turquay sur www.torosdecasta.com

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