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Toute la Crau et le sang versé

Les « événements » législatifs de l’hiver y sont-ils pour quelque chose ? Les pleins me ravissent. Fût-ce pour Roca Rey et Castella à Arles, la vue de gradins garnis m’est un signe d’espoir formidable. Raisonnons par l’inverse : le constat qu’aucun torero ne remplisse serait éminemment inquiétant. C’est un peu basique, j’en conviens, mais cette petite joie m’a à nouveau étreint à St Martin de Crau samedi où l’assistance m’a semblé nombreuse et de qualité pour un cartel intéressant : le héros des Rameaux madrilènes 2022, digne torero suranné à Arles en septembre côtoyait un récent « oreillé » de Las Ventas que nous avions vu très bon à Cenicientos en août et un jeune torero français (il est à parier qu’il en fallait un). Tous trois défilèrent tête nue. Les toros ? Un défi d’élevages, chose déplaisante a priori, notamment pour deux fers qui ne semblent pas manquer d’effectifs : Dolores (Aguirre) se mesurait à Hubert (Yonnet), en l’occurrence Isabel vs Charlotte.

A domicile ou presque, les Yonnet ouvrirent les débats avec un toro guère en accord avec le type des années du grand-père : pas très méchant, piqué car l’on fit l’effort de le convaincre de s’y représenter, il surprit à la muleta par une codicia rare sous ce fer, beaucoup de transmission à droite comme à gauche, rematant loin avec l’envie d’y revenir. Une merveille de toro de troisième tiers qui dépassa l’habituel sobresaliente salmantin.

Le second avait aussi des manières plutôt civilisées sans autant de qualité, Adrian de Torres servit une faena longue et décousue mais pas exempte de qualité sur certains passages qui ne trouvèrent guère d’écho ; le garçon est un peu froid. Et maladroit à l’épée.

Il fallut trouver attendre le 3 portant le fer des héritiers de Christophe Yonnet pour trouver enfin le type de la maison et de la bagarre au cheval. Ou plutôt de l’impact. Violent au contact dans le peto sur toutes les rencontres, ‘Piemanson’ n’était pas si chicaneur que ça sous le cheval ni vraiment brave, tardant beaucoup. Luc Tosello fit apprécier son sens de l’équilibre en selle. C’est violent et tardo toujours dans la muleta d’un Tibo Garcia qui espérait peut-être autre chose après les deux premiers toros, que ‘Piémanson’ vécut les dernières minutes de son existence.

Isabel releva le gant avec 3 toros rassemblés un peu comme ça. Le 4, ‘Burgalés’, 5 ans et 550 kilos semblait tout chétif. Sans pétard ni méchanceté il permit à Alvaro de la Calle de faire entrevoir quelques détails de cette tauromachie particulière, toréant pa dentro, un peu codillero dans un ensemble irrégulier. L’hémorragie abondante à la mort refroidit le public et frustra le torero qui espérait un trophée.

Sortit en 5 un melocotón joliment fait bien que chromatiquement rarissime a la dehesa de Frías. Curro Javier se chargea de la lidia qui aligna plus de passes qu’une équipe de Guardiola en 90 minutes… longue faena à nouveau sans grande portée et naufrage épée en main : 5 assauts au moins. Adrian de Torres avait coupé une oreille à Madrid sur une grande estocade mais laissé le mojo en Castille.

‘Carafea’, haut et bizco, avait la dégaine de la maison et pas vraiment les hechuras laissant augurer de faenas sublimes mais enfin une vraie envie d’en découdre et pas toujours dans les règles. Dès ses premiers pas en piste, une démarche suspecte des antérieures laissa planer un doute. Tout excité par la cavalerie, il permit de voir un tiers spectaculaire, très bien piqué par Ney Zembrano (je lis le programme) qui finit au regatón sous l’ovation. Bien Thomas Ubeda aux banderilles et faena de Tibo Garcia qui transmit au public : ‘Carafea’ en voulait et trouva une muleta très oppressante ; rattrapé en fin de course par sa faiblesse, il avait eu le temps de répondre par la caste à quelques opportunistes réclamant plus tôt des toros Français… ajoutons que vêtu de blanc et fil blanc, Tibo Garcia termina la course sans tâche mais une oreille en main.

Deux heures et demie d’une course qui laissa sa chance au tiers de piques, bravo pour l’initiative de faire revenir le picador par la contrepiste. Ciel voilé mais clément.

Photo @Louise de Zan

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