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Saltillo en rafales

St Martin de Crau « jouit » d’une réputation tenace dans le microcosme aficionado : celle de la poisse météorologique, en particulier pluvieuse ; en 2024, le Mistral s’est chargé de laver le ciel de Provence, mais tombant de Charybde en Scylla, l’assistance se trouva glacée jusqu’aux os par la puissance Boréenne. Prudent car élevé aux piégeuses Pâques arlésiennes j’avais opté pour le retour à l’accoutrement hivernal, laine à tous les étages, sans me départir d’une élégance que d’aucuns contestent sur les rives du Guadalquivir. Mais foin de coquetteries, le contexte venté n’a pas vocation à vanter la multiplication des couches en fibres naturelles ni l’effet rendu, mais bel et bien le courage de s’aligner en de pareilles conditions face à un lot de Saltillo. A midi ce jour d’avril, il s’avérait compliqué de progresser d’un pas primesautier et chaloupé sur les berges du fleuve sacré de la ville d’Arles sans rectifier la position ou courber le buste sous le joug des bourrasques roulant une houle fluviale du plus bel effet. Quant à la sieste, on imagine l’angoisse d’entendre les soufflantes formidables à quelques heures de devoir jouer de la percale et de la serge. Optimiste de nature après avoir roulé sa bosse dans des contrées inhospitalières d’Afrique, Antonio, Arlésien d’adoption, Madrilène de naissance m’assurait que les éléments se calmaient généralement en fin d’après-midi. Le fait est que la piste des arènes de la Crau doit être suffisamment protégée, pour avoir permis le déroulement relativement normal d’une intéressante tarde, frigorifiante sur les deux derniers toros, quand le soleil ne donnait plus qu’une jolie lumière de mi-saison. Mais quid des Saltillo ? Pour rappel Joaquin Moreno de Silva a racheté à son cousin il y a quelques années le fer rond historique de la famille, ne lidiant plus sous son ancien fer Moreno de Silva. Disparues également les mantes religieuses sombres qui terrorisaient l’escalafon novilleril (notamment) et faisaient dire à certains que ces bêtes ne devraient plus exister ; que de courses impressionnantes de fiereza furent lidiées à Madrid ! Las, le Saltillo aujourd’hui semble très Buendia : beaucoup plus rond et gris, il est plus costaud (on l’a je crois toujours vu ainsi à Céret depuis une douzaine d’années) et moins « méchant » : en sobrero de la course des récents Rameaux madrilènes fut lidié un cochon de 620 kilos, notamment. Les poids annoncés à St Martin semblant provenir tout droit de la « balance » arlésienne, nous opterons pour les taire.

Le lot pâtit d’une certaine irrégularité dans la présentation, les 1 et 5 paraissaient très Buendia bodybuildés , le 2 plus fin, le 4 indéfinissable et le 6 enfin asaltillado s’avérant le plus décasté et manso du lot, la course, elle, souffrit d’un enchaînement malheureux voyant les trois toros les plus intéressants sortir en premiers alors que les trois derniers combattus dans le froid s’avérèrent passablement médiocres.

Les toreros n’aidèrent guère, tous laborieux à divers degrés à la mort : seul Lamelas tua le 4e du premier coup, libérant une oreille de gratitude, alors que Damian Castano fracassa au 5, écoutant trois avis et voyant son toro rentrer vivant au toril. Lamelas, ne sut vraiment profiter de la corne droite du rond premier, corne en pinceau et fort au premier tiers en deux rencontres (tête haute puis basse). Faena laborieuse sur une corne droite allant a mas. Deux pinchazos et une entière. On nous survendit ce 4 bizarre, en trois rencontres à la pique très laborieuses à laquelle suivit une longue faena à toro très peu mobile. Oreille pour l’efficience létale.

Damian Castano a décidément des soucis épée en main, ce n’est pas d’hier, même s’il est en grand progrès muleta en main. Il passa un peu à côté du 2, le meilleur du lot, qui faisait l’avion à droite et semblait très correct à gauche. Son souci esthétique vient parfois nuire à son toreo lorsqu’il le veut vertical et ne parvient pas à courir la main. Le 5 semblait se désintéresser du combat, partant d’assez loin mais prenant la muleta « en passant » puis levant la tête à la recherche d’une brise, d’un bouillon ou d’une issue à la sortie de la passe. Damian tenta de faire bien les choses, citant de loin, poitrine en avant, avant de perdre les papiers sur quelques mouvements d’humeur d’un adversaire guère encasté mais lassé de la chose. La trouille s’installa sur le visage du matador en fin de faena et la suite fut donc catastrophique. Quant à Tibo Garcia, il sauva d’un quite les miches d’un banderillero au deuxième tiers du premier toro : sa tauromachie est beaucoup plus post-moderne avec une recherche de la liaison qui sembla étouffer son premier et ne dit pas grand chose d’autre qu’un discours plus technique que ses deux camarades. Le 6, manso décasté ne permettait donc rien. Malheureux avec les aciers, il écouta deux fois le silence à peine troublé par les rafales dans les platanes alentours.

Course tenue en moins de deux heures trente minutes, transitions rapides entre les toros, aucun usage du micro : organisation exemplaire !

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