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L’humanité du moment

ErwittEn 2014 Laurent Larrieu avait publié le post qui suit, évoquant Robert Frank aujourd’hui disparu.
De Robert Frank il restera évidemment « Les Américains », préfacé par Kerouac, exposé l’an dernier à Arles, mais aussi un ouvrage plus confidentiel sur Valencia édité à Madrid par LA FABRICA et STEIDL évidemment. Le père Larrieu l’avait évoqué sur campos.
Tous les photographes contemporains, professionnels, amateurs, petits ou grands, sont les enfants et petits enfants de Robert Frank.
RIP Maestro.

La lumière blanche entre par la fenêtre — que l’on ne voit pas —, sur la gauche. L’encadrement de la porte n’est pas droit mais c’est tant mieux parce qu’au centre un homme brun et une femme en tablier font tenir leur corps dans la danse susurrée de leur amour. Ses mains à elle ne sont que délicatesse, qu’une caresse ; lui vacille ou en donne l’impression parce qu’il l’aime et qu’il goûte sa chance en collant sa joue contre la sienne. Les sens émus.

Un jour, Robert Frank, l’homme sur la photographie, a déclaré qu’il y « a une chose que doivent contenir les photographies, c’est l’humanité du moment ». Elliott Erwitt, l’auteur de cette photographie, a réussi dans ce cliché à rendre vrai et physique le précepte de son ami Robert Frank.

En 1952, Robert Frank a vécu quelques mois dans un quartier de Valence avec sa femme Mary. Il a photographié autour de lui, sans but, sans volonté de reportage. Ses photographies n’étaient pas des vitrines. Il a photographié des instants banals de la vie sous ses yeux à l’époque du dogmatisme naissant de « l’instant décisif ». Frank a fait ces photos comme il danse avec sa femme dans cette cuisine petite et vivante. Il a saisi une part de lui-même dans les yeux de ces gens, c’est visible et palpable. Il y a des enfants, beaucoup, des enfants qui jouent, des enfants dans la rue, des enfants à la fête. Et puis des vieux aussi. Beaucoup aussi, comme si les vieux étaient ce qui nous rapprochait le plus du touché de la mort et du vide.

Elliott Erwitt a saisi dans ce cliché toute « l’humanité du moment » d’un homme suspendu au fil d’un bonheur qu’il savait peut-être éphémère… Ses photographies le disent.

Robert Frank, Valencia 1952La Fábrica/Steidl, 2012.

Valencia 1952

  1. guermonprez Répondre
    Quelle belle composition ! Le sujet-couple placé au nombre d'or, les lignes droites reproduites harmonieusement avec un agencement horizontal et vertical très chiadé : le carrelage, le chambranle en oblique, la profondeur donnée par l'angle de la hotte, le premier plan un chouïa flou avec la courbure de la chaise, l'environnement géométrique titille immédiatement l'amateur du genre qui y voit une grande réussite d'homogénéité et de poésie transmise par ce cliché. Un seul détail me chiffonne : au fond à droite, posé, ne serait-ce pas un transistor avec son antenne de côté ? Or les premières radios du genre mises sur le marché sont de 1958-59. En tous cas en 1952, il n'y en avait pas encore. Mystère alors sur la date ? "Pero, tal vez, me equivoco"....
    • guermonprez Répondre
      En y regardant de plus près, il semblerait que le transistor soit en fait des bidons d'huile d'olive posés là, et, derrière, la queue d'une casserole...hum hum ! Ça n'enlève rien à la beauté de la photo d'Eliott qui, contrairement à HSB, travaille à l'arrache en mitraillant le quotidien puis sélectionne. Il a certainement dégainé son Leica un peu vite, sûrement séduit par cette lumière adoucie - on devine un voile sur la fenêtre de la kitchenette qui donne cette ombre particulière et ce très joli modelé sur les vêtements du couple : une boîte à lumière naturelle en quelque sorte. Photo très séduisante !
  2. Carafea Répondre
    M.Guermonprez, l'abus de sodomie de diptères peut nuire à la santé à la longue.

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