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Antis : l’arsenal législatif du football

La temporada 2014 semble promettre de nouvelles confrontations avec les anticorridas aux alentours des arènes.

L’idée de ceux-ci est claire : troubler l’ordre public, faire dégénérer certaines situations pour que la question de l’organisation même de corridas soit remise en cause (craintes de troubles à l’ordre public, découragement des aficionados insultés, voire agressés, nécessité de la mise en place de services d’ordre onéreux, etc.).

Les organisateurs, les pouvoirs publics, les communes peuvent se sentir démunis face à cette menace qui semble aujourd’hui plus radicale que celle des « zantis » croisés lors des décennies précédentes. Pourtant, si la tauromachie n’est pas un sport à proprement parler, il existe du côté des lois régissant l’organisation de manifestations sportives quelques exemples qui pourraient s’avérer utiles.

Le football moderne français, avant même d’être qatari ou russe, s’est doté année après année et au fil des problèmes qu’il a connus, d’un arsenal juridique à même de lutter efficacement contre la violence en marge des matches, voire un peu plus. Aujourd’hui, les moyens sont là, abondamment employés par les pouvoirs publics. Cet arsenal vise à « faire le ménage » à l’intérieur et aux alentours des stades, à chasser des individus catalogués comme nuisibles ou ennemis du football (parfois abusivement).

En voici un aperçu : chaque billet d’entrée au stade comporte à son dos un extrait du code du sport, notamment l’article L332-8 rappelant que sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende l’introduction ou la tentative d’introduction dans le stade de fumigènes, fusées (…), ainsi que tout autre objet susceptible de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal.

Voici pour les jets de fumigènes qui ont pu avoir lieu dans les arènes par le passé, dans le but de troubler le spectacle, voire de blesser des spectateurs (à savoir que, dans l’immense majorité des cas, l’usage de feux de Bengale dans les stades est, lui, festif, mais peut chaut à la loi…). Le chapitre relatif à la « sécurité des manifestations sportives » du code du sport va bien au-delà du simple usage des feux d’artifices.

Ci-après, je vous livre deux articles intéressants, notamment dans le cadre des insultes proférées à l’égard des spectateurs, ou des actions d’envahissement de ruedo, susceptibles d’être opposés aux anticorridas dans leur action d’empêcher la tenue normale d’une corrida :
• Article L332-6. — « Lors d’une manifestation sportive ou de la retransmission en public d’une telle manifestation dans une enceinte sportive, le fait de provoquer, par quelque moyen que ce soit, des spectateurs à la haine ou à la violence à l’égard de l’arbitre, d’un juge sportif, d’un joueur ou de toute autre personne ou groupe de personnes est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
• Article L332-10. — « Le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Les peines de prison et les amendes peuvent également être assorties d’interdiction de stade pouvant aller jusqu’à cinq ans. S’entend généralement par interdiction de stade l’interdiction de pénétrer dans un périmètre donné autour du stade et la possibilité de faire pointer au commissariat les personnes condamnées lors de la tenue des matches.

L’arsenal législatif répressif a été en outre assorti, en 2006, d’un arsenal préventif dans le cadre de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme (oui !) instaurant des interdictions administratives de stade (IAS) de trois à douze mois, systématiquement assorties de l’obligation de pointer au commissariat lors des matches de l’équipe du supporter concerné. En pratique, les IAS sont décrétées à l’encontre de personnes constituant une menace à l’ordre public par le représentant de l’État dans le département. Les recours existent mais prennent généralement plus de temps à être examinés que ne dure l’IAS elle-même.

Autre mesure très en vogue aujourd’hui : les arrêtés préfectoraux, voire ministériels, interdisant les déplacements individuels ou collectifs de supporters d’une équipe visiteuse pour un match classé à hauts risques. Ces arrêtés fondés sur le risque de troubles graves pour l’ordre public mettent toutefois en cause, selon le Conseil d’État, saisi en référé en novembre 2013 par l’Olympique lyonnais, plusieurs libertés fondamentales (liberté d’aller et de venir, liberté de réunion et liberté d’expression), et le Conseil d’État a demandé que les arrêtés soient reformulés afin de se concentrer sur le comportement des personnes visées plutôt que sur leur propre origine géographique ou appartenance à une association de supporters — http://www.conseil-etat.fr/fr/communiques-de-presse/refere-olympique-lyonnais.html.

La corrida n’est pas un sport, certes, mais les lois concernant le trouble à l’ordre public dans le cadre de manifestations sportives constituent un socle que les autorités locales auraient tout intérêt à considérer sérieusement. Les pouvoirs publics s’embarrassent peu de savoir s’il existe une quelconque liberté d’expression chez ceux en qui ils voient un peu rapidement des « ennemis du football ». Au rythme auquel évoluent les événements autour des arènes, la requalification des agissement des « antis » en « hooliganisme » ne tient plus réellement de la science-fiction. Comme dit précédemment, l’idée est à considérer sérieusement.

  1. Grandchamp Bernard Répondre
    Frédéric, Merci pour cette initiative d'information très opportune, et pour ces informations précises. Quoi qu'il en soit, bonne temporada. Suerte para todos - Bernard "Largo campo"
  2. ludo Répondre
    CyR vérifie l'adage "quand il n' y a plus de football, il y a encore du football". Naaaan, j'déconne Fred, c'est très instructif et constructif ton Dalloz digest sur le hooliganisme appliqué aux zantis. La différence c'est que les zantis veulent que ça s'arrête, les hooligans veulent que ça continue.
  3. Mario Répondre
    Ah bé c'est très pertinent ! Je t'ai inscrit à l'OCT ...ta place est là bas...(aussi). l'ubano

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