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Aucun bouquet ne vaut pour moi… (XVIII)

fernando et antonio palha« Mon fils, que vas-tu faire de ces vaches ?
— Je ne sais pas, père.
— Mais… je veux dire… à quoi te sert d’avoir ces cinq vaches ? Tu n’as pas d’élevage !
— Je sais tout cela, père.
— Alors pourquoi ?
— Parce qu’elles sont belles, parce que j’aime me dire qu’elles existent. Faut-il toujours que les choses aient un sens, un intérêt ?
— Je crains que la poésie ne soit pas adaptable aux toros, mon fils. »

« Pourquoi pas, après tout », s’est dit pour lui-même le fils, qui n’avait plus envie de répondre à son père.

L’histoire qui suit est vraie. Elle a commencé comme ça la fin des années 1950, par ce dialogue inaccoutumé entre un père et son fils que cinq vaches braves divisaient. Ces vaches n’avaient rien d’extraordinaire ; elles passaient par là, pour ainsi dire, une était chorreada en verdugo.

Aujourd’hui, ce fils est un grand-père. Il n’en a pas dit beaucoup plus si ce n’est que c’est lui qui avait acheté ces vaches, et que son père, qui ne goûtait pas comme lui le campo, et il avait ses raisons, avait pourtant finalement compris cette folie.

Cette histoire d’une naissance n’est racontée dans aucune des généalogies officielles (ou non) de la ganadería fondée en 1962, ou 1963, par Fernando de Castro Van Zeller Pereira Palha. À la mort de José Van Zeller Pereira Palha, son cousin, António Palha, le père de Fernando, ne désira pas s’occuper des toros de la famille. Ceux-ci furent pris en mains par ses frères, les jumeaux Carlos et Francisco Palha. António Palha conserva l’élevage des chevaux marqués du « P » et de la croix, mais le campo bravo n’était pas sa tasse de thé. À son fils, oui !

Adulte mais encore très jeune, ce fils entêté et un brin rêveur rencontra un jour un maquignon connu de la maison qui l’entretint d’une affaire qui le chagrinait. Il avait acheté cinq vaches braves dans un élevage de la zone de Coruche pour organiser une petite fête en l’honneur de son banquier. Autres temps, autres mœurs ! Ce maquignon, n’ayant pas de terres pour conserver ces bêtes, proposa donc à Fernando Palha de les lui vendre pour qu’il les garde dans une finca de la famille.

Hésitations, tentations, supputations, il est facile d’imaginer les tourments que le jeune homme pétri d’afición eut à subir à cet instant-là. Jetant un coup d’œil aux cinq vaches de la fête au capitalisme, sa décision fut prise et définitive en découvrant dans le camion une superbe chorreada en verdugo qui ressemblait à une… Miura. Elle est restée dans la mémoire de cet homme sous le nom de ‘Frigineira’, la vache qui ressemblait à une Miura. L’affaire conclue, Fernando emporta ses rêves dans une finca nommée « Recouçao » qui se trouve être très proche de celle qu’il occupe aujourd’hui, la finca « Vil Figueiras ».

Il suffit de traverser la route pour se trouver à « Adema », la finca des Palha, ceux du « P » et de la croix. Là, à « Recouçao », il cacha les vaches des regards désapprobateurs et particulièrement de celui de son père, António. L’idée même d’arriver à dissimuler cinq vaches braves est assez surprenante, mais l’histoire familiale, d’un côté comme de l’autre de la route, aura d’autres occasions de renouveler l’expérience.

Et maintenant ? Que faire de ces cinq vaches ? Certainement torturé à l’idée de mentir à son père, pour lequel Fernando Palha voue encore à plus de quatre-vingts ans une profonde admiration, il se résolut à lui avouer son « crime ». Il l’amena donc à la campagne, comme il dit, et lui montra les cinq femelles orphelines de mâles et d’avenir. Si António Palha n’en sauta pas de joie, il ne put que constater, une fois de plus, à quel point l’afición a los toros taraudait ce fils aîné.

Alors, magnanime, a fortiori très aimant, il lui déclara que tant qu’à faire un « massacre », autant le faire correctement et jusqu’au bout. Il fallait donc trouver des mâles pour occuper ces cinq pauvres vaches d’origine Branco Teixeira, car c’est chez cet éleveur que le maquignon qui aimait à ce point son banquier s’en était allé les acheter.

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