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Braganza: No Future

1Il y a, dans l’idée d’aller au campo — quand aucune obligation organisationnelle ne vous guide ni ne vous oblige —, la saveur pétillante de l’inconnu, le trouble léger de l’excitation de s’imaginer les coteaux peints de fleurs, les chênes-verts centenaires, les tronches en biais, les chiens pouilleux et les toros sublimes.

Au détour d’une de ces innombrables pages Web sur laquelle mon regard s’était attardé un soir de morte saison, c’est la photographie d’un vieux semental arthritique qui avait fixé mon attention. Le papy était marqué du fer d’un élevage de troisième zone, mais sa robe jabonera avait de quoi faire perdre quelques secondes de plus. En octobre 2009, l’auteur de l’article expliquait qu’il s’agissait d’un survivant de l’ancien sang de Braganza, et les secondes devinrent des minutes, et le trouble léger de l’excitation prit le goût de la saveur pétillante de l’inconnu — ou de l’oublié.

Le troupeau fondé à la fin du XIXe siècle par le roi du Portugal Carlos Ier toussotait encore quelque part du côté de Trebujena (Cadix), et les pelages jaboneros se laissaient caresser le poil par les eaux fuyantes du Guadalquivir. La finca, « Alventus », se trouvait, blanche et fidèle à nos espoirs, entre le ciel d’un bleu parfait et sans nuance et les terres jaunes d’une marisma où étaient nés certains des grands élevages du passé : Otaolarruchi et Villamarta. Les Núñez Alventus étaient venus après, dès 1936.

Mille bornes pour une vingtaine de vaches Braganza achetées par les Núñez à Curro Chica dans les années 1940 — ou, selon la version de celui qui tient en ce moment l’élevage, héritées de l’achat de la finca au marquisde Villamarta, qui avait conservé un lot de vaches à dominante Veragua dans son immense cheptel —, c’était quoi après tout ?

« Tes vaches elles ont dû prendre du Domecq ou autre chose plein le cul mon pote !… » Comme si c’était ma faute !

Les toros, qui furent nombreux ici, ne sont plus qu’un souvenir que quelques têtes entretiennent pour une poignée d’années encore. Certains souvenirs, sans être cauchemardesques, n’héritent dans notre mémoire que d’une case assombrie et lointaine, et c’est très bien ainsi. Les Núñez Alventus (Núñez Guerra, Núñez Núñez…) ne sont plus ganaderos de toros de lidia. Les Braganza de Curro Chica n’ont pas survécu chez Rancho Sola et agonisent ici — il en resterait une poignée chez Julio de la Puerta.

La route qui mène de la finca, à Trebujena, est droite et se perd à l’horizon. Je ne crois pas que l’on reviendra. Les toros sont partis plus au nord ou plus dans les terres. Pour beaucoup, ils portent maintenant des fundas et patientent dans des cercados pelés. Les Braganza appartiennent à l’Histoire et à nos rêves, maintenant. Il faut suivre la route toute droite pour les trouver, c’est pas très compliqué.

Retrouvez, sous la rubrique « Galeries », une série de photographies consacrée aux quelques bêtes de la famille Alventus.

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