logo

A ver…

Les doutes étaient permis. La dernière corrida du fer de Ernesto Louro Fernandes de Castro avait été lidiée à Céret, en 1995, et n’avait pas été bonne. Depuis, personne ne pouvait dire ou prédire quoi que ce soit — heureux les voyants en matière taurine —, et l’on inclinait plutôt vers le doute que vers la confiance pour ce lot superbe de lignes, sans un poil de graisse superflue (les poids au débarquement oscillaient entre 500 et 527 kg), armé fin — quelques cornes « escobillées » tout de même — et très dans le type Atanasio Fernández. Mais il fallait le faire !

C’était une idée intéressante de programmer cet élevage portugais apparu dans les années 1960, et c’est ce que les aficionados a los toros peuvent attendre d’une place comme Orthez depuis maintenant quelques années. On a beau nous vendre, sur les papiers distribués à l’entrée, que le public d’Orthez attend banderilles et fiesta — les paroles de deux chansons du cru étaient imprimées au dos du sorteo pour redonner un côté « festif » à la corrida et l’ancrer dans un esprit local béarno-béarnais… —, il n’en demeure pas moins que c’est l’aficionado a los toros qu’il faut aller chercher et intéresser : le grand public local se moque bien du nom d’un élevage et vient bon an mal an car c’est sa corrida.

Banderilles ? C’est un sujet qui court depuis des années dans les discussions internes des différentes commissions taurines de la cité de Gaston Fébus : l’animateur capable de faire lever ce public féru — soi-disant — de spectaculaire et de chichis. La dernière fois que le public orthézien s’est levé et enflammé un après-midi de juillet, il rendait hommage à un très bon lot de toros de Dña. Dolores Aguirre Ybarra (2010) ; lot face auquel aucun des trois maestros n’avait posé les banderilles. Qu’on arrête donc de croire que le grand public a des attentes et un goût ! Si le tercio de piques est bien mené, il aura le goût des piques. Si les banderilles sont posées comme le fit hier Imanol Sánchez, le grand public ira s’acheter des bières plutôt que de s’enflammer.

Depuis quelques années, Orthez a ça pour elle de vouloir présenter des élevages quelque peu différents, ou moins vus, ou moins connus, ou oubliés, et qui représentent des lignes de toros minoritaires dans la cabaña brava. En décembre, quand les noms des ganaderías sont révélés, le passionné espère qu’il sera surpris, bousculé et titillé dans sa curiosité — il en va de même pour Céret, Parentis-en-Born, Saint-Martin-de-Crau.

Louro de Castro entrait pleinement dans cette optique ; il fallait le faire ! Beau, le lot offrit un comportement de media casta, en particulier lors du troisième tiers. Sorties des passes tête haute, demi-charges pour certains, tardos et vite éteints pour d’autres. Ce fut décevant mais pas inintéressant, car ces toros demandaient des lidias adéquates que la tauromachie empesée de Joselillo et le grand manque de technique d’Imanol Sánchez ne surent nous offrir. Pérez Mota s’en sortit mieux car ses gestes sont beaux et ses placements meilleurs. Les toros de Louro de Castro ont joué le jeu au cheval sans être réellement braves. Certaines poussées furent spectaculaires, comme celles du quatrième, mais les têtes étaient hautes, rapidement agitées et les sorties, souvent solitaires. Pour autant, et malgré les défauts, les tiers de piques vécus hier eurent leur intérêt et confirment que, malgré les prix, malgré la bonne volonté de la commission taurine de défendre ce tercio, les picadors — mis à part hurler pour impressionner le public — s’en moquent la plupart du temps en « carioquant » automatiquement pour saigner les toros.

On pourra ergoter longtemps sur l’octroi de plus en plus courant de vueltas al ruedo à de bons toros ou novillos. ‘Hachicero’, de Valdellán, y eut droit le matin lors de la novillada alors même que le tiers de piques fut interrompu après la seconde rencontre, ce qui ôta au public le bonheur d’assister à une troisième rencontre qui aurait confirmé le bon caractère du Graciliano. Le dogme des trois piques révélatrices de la bravoure est un vieux rêve mort pour que vivent une centaine de passes et tombe un mouchoir bleu. Les Valdellán avaient de la caste et l’envie de charger, et les novilleros avaient envie de faire des passes.

La nouvelle commission taurine d’Orthez est maintenant face à elle-même pour les années à venir. Orthez continuera d’offrir au public des toros bien présentés, c’est un fait, mais l’attente sera grande pour que l’originalité et ce petit plus dans le choix des élevages, qui ont fait sa réputation, ne disparaissent pas.

Laisser un commentaire

*

captcha *