logo

Aucun bouquet ne vaut pour moi… (XXIX)

LL-valedosorraiaChamusca, au nord de Santarém, en plein Ribatejo, est un gros village étiré en bord de Tage comme s’il lui courait à côté pour l’encourager. C’est à Chamusca qu’est né, en 1877, Norberto de Vasconcellos Mascarenhas Pedroso, et c’est à Chamusca qu’il créa et installa une ganadería de toros, en 1911.

En 1904, ledit Norberto épouse une certaine Isabel Mota Infante da Câmara, fille d’Emílio Infante da Câmara, ganadero de Santarém reconnu dans tout le Portugal — il faut croire que les mariages aident à élever des toros. Évidemment, Norberto Pedroso fonde son cheptel à partir de celui du beau-père, qui lui vend ou lui cède une trentaine de ses vaches que Pedroso offre en petit-déjeuner à deux sementales de Casa da Junqueira (casta portuguesa) et/ou du même Emílio Infante da Câmara. C’est le début du siècle, et les ganaderos portugais goûtent encore diablement les mélanges détonants ; et l’élevage d’Infante da Câmara n’échappe pas à la règle, loin de là.

Emílio Infante da Câmara hérite de la ganadería de son père, Emidio, en 1875, ganadería à propos de laquelle il est complexe de trouver des informations un tant soit peu approfondies. Dix ans plus tard, il mélange le troupeau paternel à celui que sa femme, Emília da Mota, reçoit à la mort de son père, José da Gaspar Mota, dont les bêtes provenaient de Rafael da Cunha. Antonio Martín Maqueda précise que, en 1902, furent combattus, à Lisbonne, dix toros d’Infante da Câmara, « cuatro de la antigua raza portuguesa destinados a los rejones, y seis de la nueva casta que está afinando y de la que es semental un toro de Palha Blanco ». Mélange peut-être, mais mélange contrôlé et savamment orchestré par Emílio Infante da Câmara qui cherchait certainement à construire un élevage digne de ses voisins espagnols.

Quelle ligne fut offerte ou vendue à son gendre Norberto Pedroso, en 1911 ? La portugaise ou les rejetons de ses essais avec le Palha Blanco ? Aucune référence bibliographique n’apporte de réponse satisfaisante. En soi, cela n’a que peu d’importance d’éclaircir cette énigme en ce début de XXIe siècle. Toutefois, si l’élevage de Norberto Pedroso n’existe plus, car vendu en 1976 à José Luís Pereira Dias, certains élevages actuels de la cabaña brava portugaise y rattachent leurs origines. Il s’agit des Irmãos Dias, fils de José Luís Pereira Dias, et de Vale do Sorraia. Si les robes des toros présentent beaucoup de similitudes dans le cárdeno, il n’en reste pas moins que le Dias reste un toro de volume très réduit et dont les têtes rappellent la caste portugaise, alors même que les Vale do Sorraia, malgré quelques caboches clairement portugaises elles aussi — particulièrement chez les vaches —, donnent à observer des corps de vrais taureaux de combat : bas, musculeux et enmorrillados.

En les observant, il paraît clair que l’origine Norberto Pedroso n’a pas évolué de la même manière chez l’un et chez l’autre. Sélection de ganadero ? Il est difficile de le croire tant les différences sautent aux yeux. Une chose est certaine dans tous les cas : le Vale do Sorraia originel, celui de ‘Chinarra’ pour faire simple, n’est plus celui que l’on peut contempler aujourd’hui à « Torrinha » ou à « Monte da Herdade da Murteira », à côté d’Évora. Entre les années 1950 et 2010, l’apport Norberto Pedroso a clairement transformé un toro qui devait plus, à l’époque, aux origines parladeño-vazqueñas qu’à celles d’Infante da Câmara.

Dernière question pour clôturer cette digression sur les Vale do Sorraia : si l’on s’en tient aux origines établies des Norberto Pedroso, en 1911, il apparaît étonnant de trouver dans cet élevage des robes cárdenas. Or, le point commun essentiel entre les Dias et les Sorraia est justement ce pelage (souvent claro) des animaux dont on peut se demander d’où il provient. Aucun ouvrage ne fait mention d’un apport Saltillo ou Santa Coloma dans l’élevage de Norberto Pedroso. Des esprits tatillons pourraient souligner que la robe cárdena faisait partie de l’échantillon classique des vazqueños à une époque — c’est quasiment une rareté aujourd’hui —, et ils auraient raison ; mais la proportion est allée en s’amenuisant avec le temps, et l’on peut avancer sans trop se tromper qu’un ou deux éléments vazqueños (ou croisés) cárdenos n’auraient pas essaimé leur robe sur l’ensemble du cheptel.

La réponse la plus logique à cette autre énigme reste l’apport extérieur de bêtes certainement asaltilladas dans la ganadería de Norberto Pedroso. À quelle époque ? Par quel biais ? Dans quelles mesure et ampleur ? À ces questions, seul répond le secret du ganadero, et l’aficionado n’a que d’évanescentes supputations à proposer. La plus intéressante est de suivre la piste familiale. Époux de la sœur des héritiers Infante da Câmara, pourquoi ne pas imaginer que le sieur Pedroso s’en fut trouver ses beaux-frères, Emílio et José, lorsque ceux-ci tentèrent dès la mort de leur père (1923) un croisement avec un semental de… Saltillo ? Au-delà, il ne reste que conjectures. À voix basse, sans trace écrite, il se murmure dans le campo portugais que la famille Ribeiro Telles aurait renforcé l’apport Saltillo, venu d’on ne sait où, par un rafraîchissement avec des bêtes de Vinhas (Santa Coloma – Buendía), et qu’un croisement aurait été opéré avec un semental de Los Bayones, qui aurait servi à donner du coffre aux splendides Vale do Sorraia actuels. Il se susurre même qu’un toro de Moreno de Silva aurait un temps gambadé sous les pins de « Torrinha ». Mais ceci est une autre histoire ; à moins que…

Laisser un commentaire

*

captcha *