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Blablabla

Il portait le polo de la commission taurine. Il m’a salué et m’a demandé ce que j’allais faire de mes photos, et puis, sans attendre ma réponse, il m’a dit que ce serait mieux de ne pas les diffuser. J’ai répondu que je ne faisais pas ces photos pour les regarder tout seul, le soir, sur l’écran de mon ordinateur. Il a insisté et m’a dit que ce n’était pas une bonne idée de les montrer. Manifestement, ça l’embête de m’expliquer pourquoi et ça le dérange d’appeler un chat, un chat. En l’occurrence ce n’est pas un chat. C’est un toro mort que l’on emmène à l’abattoir dans la pelle d’un tracteur et que j’ai photographié au passage. Il m’avoue que ce qui le gênerait c’est que les « antis » puissent récupérer ce genre d’images et s’en servir pour attaquer la Fiesta. Je lui fais remarquer que cette photo, je viens de la faire dans la rue en présence de quelques centaines de personnes qui, à tout moment, font de même avec leur téléphone portable.

Alors, il m’a demandé si j’étais « anti ». Celle-là je l’attendais, ce doit être à cause de ma gueule de guiri *. J’ai répondu que non, évidemment. Le monsieur est poli et insiste pour que je rejoigne les arènes et monte en tribune pour y faire des photos plus acceptables. Je le remercie et lui dis que je préfère ce qui se passe en dehors : la multitude, les jeunes, les vieux, la fête, la musique et le toro que tout le monde attend à la sortie. Pour le voir, se faire peur, frissonner, s’écœurer, le toucher, le sentir, l’examiner, faire le malin, le montrer à ses petits-enfants ou faire le dur à cuire devant sa copine. Elle est belle, cette fête, dans son essence, dans ses excès et dans ses travers. Je lui dis ça et je m’arrête. Le monsieur poli me rabâche une dernière fois que ce n’est pas une bonne idée de montrer cette image. Alors, je lui lâche enfin que je ne la montrerai pas. J’ai menti. Je retourne dans la rue pour attendre le prochain arrastre et je me mets à penser aux photographies de Fernando Herráez, de Ramón Masats et, surtout, de Cristóbal Hara. Des toros morts, aussi, des villages paumés, des gueules incroyables et une autre époque. La fête qui se vit librement, fièrement, sans complexe et sans angoisse. J’ai menti, bien sûr. La photo, je la mets parce que c’est ça la fête : un toro qui meurt à la fin. Sans rancune, monsieur ?

* Étranger, touriste.

  1. Manuel Da Costa Répondre
    J'aime tes photos, notamment celle-là ! Tu as bien fait de ne pas écouter le monsieur... Mais j'aime aussi ta façon d'écrire, on y voit plein d'images !! Amicalement Manuel Da Costa

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