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Le tweet auquel on aurait aimé échapper

Charlie

À Campos y Ruedos, nous faisons nos conférences de rédaction par Internet parce que c’est plus sûr… Quand, de mèche avec Puntilla, j’ai sorti ça le soir de l’attaque de Charlie, nous avons tous décidé de ne pas trop en faire et de ne pas surenchérir à l’émotion collective. Voilà donc, un peu comme dans Charlie, les couvertures auxquelles vous avez échappé ce soir-là.

En ce qui me concerne, je représente à peu près tout ce que les gars de Charlie hebdo détestaient : banquier, footeux, aficionado, encore catho attaché à la culture de la chose religieuse, et plutôt de droite. Voilà… Comme tout le monde, je n’achetais pas Charlie hebdo ; ils me les brisaient menu avec leurs délires antitaurins qui n’avaient même pas la prétention d’être drôles, juste bêtement militants, relayant les conneries de tous les sectaires du poireau. Oui, mais je le lisais souvent en piquant celui de mon collègue Patrick — mon côté faux-derche, probablement. L’outrance, le « bête et méchant », etc., je confesse que j’aime.

Bref, je connaissais un peu la maison ; alors, en guise de vague hommage, j’avais décidé de m’inspirer de la sauce en me disant que c’était plus dans l’esprit que les prières, la « bien-pensance » dégoulinante, les inévitables récupérations et les débats sur la peine de mort — bien tentée par le gars de France 2, qui lui tendait une perche comme ça, Marine n’a pas résisté longtemps… au nom de Cabu ! Tant qu’à être en guerre, autant que ça soit de bonne guerre. Je me sentais déjà un peu visionnaire, le matin d’après !

Mais, oui, imaginer qu’un septuagénaire nommé Cabu, avec cinq décennies de crayon et même quelques années de Dorothée derrière lui, avait été descendu par un minable à coups de kalachnikov pour des caricatures, ça m’a causé une drôle d’impression — sans parler de la disparition de Maurice et Patapon, avec Charb.

Dans ce monde à la con, et qui ne s’arrangeait déjà guère, le « bête et méchant », le cynisme et l’humour outrancier sont autant de soupapes pour respirer un peu. Charlie était irrégulier, bon, mauvais, moyen, bourré de défauts… mais Charlie était la preuve qu’on avait le droit.

À condition d’y mettre parfois un peu de talent, les caricatures et la possibilité de tout dire sont parmi les rares choses qui restent de l’identité de cette République faible, dépressive, déboussolée et vendue. Les minables en question ont malheureusement fait un super carton ce mercredi, touchant l’un des symboles (mythe, peut-être) les plus vivaces de France — pas Charlie en tant que tel, mais ce qu’il incarnait : la liberté d’expression ; ils ont vraiment fait très très mal… Malgré tous leurs désaccords ou leurs différences, la défense de ce symbole a uni spontanément des millions de gens dans une sincère émotion. Quelque chose de fort, très fort.

Un peu trop beau puisqu’il a fallu déchanter et s’apercevoir qu’au-delà des opportunistes de tout crin il y avait aussi la thèse du « bien fait, ils avaient abusé » qui nous rend un peu inquiets pour tout un tas de choses au sujet de ce pays et de ce qu’il en adviendra dans un futur proche. La fin de cavale était vague soulagement, la sortie de Valls sur Houellebecq la preuve que voler dans les plumes commençait à devenir une sale habitude, mais il a fallu en plus se taper la sortie de Viard sur Charlie hebdo en cette fin d’après-midi.

Je déteste les hashtags, les justifications, les phrases faites par d’autres et même d’avoir eu raison sur la fausse couverture de mercredi soir ; mais, là, Dédé : pas en mon nom et pas en celui des aficionados !

Nous l’avions quitté minable en 2014, tendant la main, quémandant de la thune et une place au soleil au prétexte de la défense de l’Afición, nous le retrouvons minable en 2015, résumant l’histoire des trois derniers jours aux querelles antitaurines, qui sont son fonds de commerce. Tentative de récupération opportuniste et absence totale de perspective ou de hauteur, monsieur Viard, vous avez le mauvais goût sans l’excuse d’essayer d’être drôle. Vous êtes un cloporte ! — Frédéric Bartholin/Campos y Ruedos

  1. José Angulo Répondre
    Frédéric Bartholin veux- tu m'épouser ?
  2. Josephine Répondre
    José, à la queue! Comme dans Charlie!
  3. Beñat Répondre
    Frédéric Bartholin, veux-tu m'épouser? Mais envoie-moi quand même une photo de toi avant stp!
  4. Nicolas Gibert Répondre
    Certes il a ecrit une connerie, mais la liberté d'expression revendiquée par le "je suis Charlie" ne va t'elle pas jusqu'à avoir le droit de dire qu'on ne veut pas être assimilé à charlie hebdo?
  5. Xavier KLEIN Répondre
    Monsieur Bartholin, Pour juger de la chose, est-il possible de publier (entre guillemets) le "hashtag" concerné. Ne pratiquant pas tweetmachin (et n'ayant pas envie de m'y mettre) j'aimerais juger sur pièce, bien qu'étant généralement convaincu de vos arguments. Cordialement.
    • José Angulo Répondre
      M.Klein, il suffit de se reporter au post juste en dessous.
  6. el chulo Répondre
    Bravo, tout est dit. . J'ajouterai que Jean Marie le Pen a lui aussi dit, en s'excusant, "qu'il n'était pas Charlie". Quoiqu'on pense de ce journal, c'est autre chose qui est attaqué. PS: je suis plutôt de gauche.
  7. T69 Répondre
    Cher monsieur Klein, le hastag est #notinmyname

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