La vidéo qui illustre ces quelques mots est exceptionnelle. Elle est signée Albert Durot, au sujet duquel nous ne savons rien, et elle a été dénichée dans la collection de la Cinemateca portuguesa — qui recèle bien d’autres trésors. Au-delà du témoignage remarquable qu’elle offre sur le travail quotidien des campinos portugais au début du précédent siècle et sur la vie d’une ganadería portugaise — extraordinaires images de tientas —, elle met en avant la figure méconnue de José Van-Zeller Pereira Palha.
En effet, en observant de près les images, il semble que l’on puisse reconnaître celui qui eut une importance capitale dans le cours de l’histoire de la ganadería Palha. Si les Palha sont noirs, c’est de sa faute, ou c’est grâce à lui selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre de la petite route qui sépare la quinta « Adema » des Palha historiques de celle, plus modeste, de « Vil Figueiras » où Fernando Palha élève ses couleurs.
José Pereira Palha Blanco (1854 – 1937) a rempli son contrat d’époux et ses devoirs de grand bourgeois : il a eu son lot d’enfants (António, Maria do Carmo, Laura et Constantino) avec la terrible et moustachue Maria Madalena Pereira Bastos Palha. Constantino Palha épousa sa cousine Maria do Patrocino Van Zeller, et de cette union germaine naquirent Fernando Van-Zeller Pereira Palha et José Van-Zeller Pereira Palha.
Quand il décède en 1937, le patriarche laisse un héritage ganadero en partage entre ses seuls petits-enfants mâles, étant donné qu’il a enterré ses fils en 1910 (Constantino), puis 1924 (António). Dans la famille, comme dans tant d’autres encore aujourd’hui, les filles peuvent transmettre, mais elles n’héritent pas ! José Van-Zeller Pereira Palha laisse en 1942 le soin à ses cousins, les jumeaux Carlos et Francisco (fils de Maria do Carmo), de se charger du devenir de la ganadería. Pour autant, son œuvre dans l’élevage est faite depuis des années, puisque c’est vers 1924 que son grand-père lui abandonna la gestion des affaires pour se consacrer à un mal de vivre irréversible vis-à-vis duquel on peut imaginer que la perte de deux fils n’était pas étrangère.
Amateur de fado, paraît-il, José Van-Zeller Pereira Palha eut tout le loisir de laisser libre cours à sa saudade, tant la traversée des années noires de la ganadería, de la fin des années 1920 aux années 1940, fut aussi douloureuse que le chant rauque et obsédant d’une femme de marin. En 1937, c’est lui qui décida d’en finir avec la vieille race des Palha Blanco : l’achat de ‘Compadrito’ à Juan Belmonte signifiait le sacrifice inéluctable des « duchesses » Veragua dont on sait qu’une au moins échappa au projet ; elle se nommait ‘Chinarra’ et donna naissance à l’autre grande histoire ganadera de la famille.
José Van-Zeller Pereira Palha ne s’en tint pas aux affaires familiales, car on sait qu’il fit partie de ceux qui impulsèrent la construction du pont de fer qui enjambe le Tage à Vila Franca de Xira — le pont du maréchal Carmona, inauguré en 1951, mais dont le projet de construction fut soutenu dès 1924 par José Van-Zeller Pereira Palha grâce à son amitié avec le dictateur Salazar —, et que c’est lui encore qui fut à l’origine de la création de la fête du Colete encarnado, en 1932, qui chaque année rend un vibrant hommage au monde maintenant exsangue des campinos.
De cet univers rural et austère de la lezíria du Tage, José Van-Zeller Pereira Palha a tiré des dizaines de photographies. Passionné de culture, il n’est pas surprenant que le personnage se soit pris de passion pour un art qui figeait à jamais l’univers fuyant de son monde. À son sujet, son petit-fils, José Assis Pereira Palha, déclare que : « Era um homem que se apaixonava pela arte e pela natureza e que depois transformava em fotografia e tinha grandes recordações disso », et Pierre Dupuy de mentionner que certaines de ses photographies furent publiées dans la revue El Ruedo, en 1945.
